Homélie du dimanche 14 janvier

Dimanche 14 janvier 2018
2éme dimanche du temps ordinaire

Références bibliques :

Lecture du Livre de Samuel : 1 Samuel 3 à 19 : « Tu m’as appelé, me voici…Ton serviteur écoute. »
Psaume 39 : Tu as ouvert mes oreilles… j’ai dit ton amour et ta vérité à la grande assemblée. »
Lettre de saint Paul aux Corinthiens : 1 Cor. 6. 13 à 20 : »Vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car le Seigneur vous a achetés très cher. Rendez gloire à Dieu dans votre corps. »
Evangile selon saint Jean. 1. 35 à 42 : « Venez et vous verrez… ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là. »

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Dieu nous parle parce qu’il est un être vivant. Quand un être s’exprime c’est qu’il a un trop plein d’amour à faire connaître et à communiquer aux autres. Dieu nous parle par celui-là même qui est sa Parole, son Verbe, son « Logos » C’est ce que saint Jean l’apôtre a découvert sur les bords du Jourdain.

LE PROLOGUE NOUS DIT SA DECOUVERTE

Les versets 19 à 51 du premier chapitre de l’évangile de saint Jean prolongent ce qu’ils y dit dans les versets 1 à 18. Jésus est bien la lumière du monde et le Baptiste en témoigne dans ses réponses aux questions des Pharisiens.

Dieu, personne ne l’a vu. C’est son Fils unique qui le fait connaître au monde (Jean 1. 18) : »J’ai vu et j’ai témoigné que celui-ci est le Fils de Dieu. » (Jean 1. 34à « Ceux-là sont nés non d’un vouloir d’homme, mais d’un vouloir de Dieu. » (Jean1. 12) « C’est lui qui baptise dans l’Esprit-Saint. » (Jean 1. 33)

Ce n’est pas un simple exercice littéraire que de mettre en parallèle ces deux séquences du prologue du quatrième évangile. C’est bien ce qu’a vécu Jean l’évangéliste en ces heures de l’appel, puis au cours des années de vie partagée avec Jésus. Sur les routes de Palestine, au pied de la croix, au matin de la résurrection quand il accourt au tombeau, Jean reçoit la révélation de cette présence divine qui a été si proche de lui.

« Venez et vous verrez,. » lui avait dit Jésus. « Nous l’avons entendu, nous l’avons vu de nos propres yeux, nous l’avons regardé et nos mains l’ont touché. »

Au long de sa prédication comme au travers de son témoignage dans les premières communautés chrétiennes, il découvre l’intimité de cette présence divine en lui. « Tous nous avons reçu de sa plénitude et grâce sur grâce. » (Jean 1. 15) Beaucoup de ceux qui témoignent  de la pensée et de la vie du Christ devant leurs frères, découvrent aussi cette présence. Jean le traduit ainsi dans ses lettres : »Nous demeurons en lui et lui en nous. Il nous a donné de son Esprit. » (1 Jean 4. 13)

PLUS QU’UN SOUVENIR LOINTAIN

Le récit de la rencontre de Jean et d’André avec Jésus est plus détaillée que ne le sont d’ordinaire les récits du 4ème évangile. Il a l’aspect d’un souvenir, lointain peut-être mais toujours proche parce repris dans sa mémoire, inventorié et ravivé comme il en arrive des événements qui ont changé le cours de notre vie.

L’emploi de la forme sémitique « Rabbi » nous dit bien qu’elle est la première recherche de ces deux disciples. Jean n’oubliera jamais ce qu’il a prononcé. Mais Jésus dépasse cette attente. L’évangéliste n’oubliera jamais l’intensité du regard du précurseur sur Jésus : » Attachant son regard sur Jésus qui passait. »(Jean 1. 36)

« Rabbi » était parfois un terme de politesse. En fait, l’évangéliste utilise en grec un terme très précis. « Didascalos, celui qui enseigne. » Ils sont en quête intérieure pour entendre son enseignement. Ils rejoignent la vie intérieure du Christ.

Ils pensaient suivre un maître qui enseigne. La grâce et la force de l’Esprit Saint dans le Christ vont les mettre en communion avec celui qui Vérité et Vie. Ils vivent les premières heures de la proximité divine.

QUAND JESUS PASSE

Jésus passe, sans s’arrêter, comme pour ne pas provoquer une nouvelle déclaration, comme pour montrer déjà l’étape franchie entre lui et le Précurseur. Jean-Baptiste leur répète brièvement ce qu’il a déclaré la veille : »C’est l’agneau de Dieu, celui qui est plus important que lui, le précurseur.

Ce rappel plus incisif que le premier est aussi plus décisif, comme cela nous arrive dans notre vie quand un discours passe de la réflexion de l’intelligence raisonnante à sa transcription dans la volonté du vécu, grâce à l’intelligence du cœur, où réside l’amour.

Lors de cette rencontre, le Christ s’y montre avec moins d’empire que dans la vocation des bords du lac. Au Jourdain, il y a comme une séduction persuasive et cette première entrevue explique bien la vocation définitive de ces premiers disciples. En l’évoquant, il ne se souvient pas s’ils étaient ou non avec le Baptiste ou si, selon ce que nous en savons, il y avait d’autres disciples. Leur mémoire n’a conservé que l’intensité de ce moment vécu par eux deux.

Jésus se retourne et les regarde attentivement. Sa demande est la première parole qu’il prononce dans l’évangile johannique. Elle ne peut être une phrase banale : »Vous désirez me parler ? » Elle équivaut à « Avez-vous besoin de quelque chose ? » tout en autorisant un sens plus profond.

Si les deux disciples suivent Jésus dans une telle circonstance, c’est qu’ils attendent de lui un bien d’ordre moral et spirituel, dont ils ne savent pas comment le dire. :Que cherchez-vous ? » est une question qui est posée à nous tous, à tout lecteur de l’Evangile. Nous cherchons un sens un « plus d’être » et non pas un « avoir. »

L’ACCUEIL DE NOTRE ATTENTE

Les villages étaient rares au bord du Jourdain, mais on pouvait y dormir en plein air ou dans des cabanes de roseaux selon les coutumes de ce temps. J »sus avait là sans doute un abri temporaire pour les jours qu’il avait résolu de demeurer aux alentours du Baptiste, ce que suggère le texte qui parle de : »là où il demeurait. » (Jean 1. 39)

La réponse de Jésus est calquée sur la demande. Mais comme la demande impliquait plus que ne le disaient les termes, la réponse a dû être accompagnée d’un sourire, ajoute le P. Lagrange dans son austère commentaire de la collection des « Etudes bibliques. » : »Vous verrez où je demeure, soyez les bien-venus. »

Ils virent. Mais quoi ? et l’évangéliste ne dit rien de ce que nous aimerions savoir. Que ce sont-ils dit depuis quatre heures de l’après-midi jusqu’au soir, et le lendemain encore après la nuit passée en cet abri ? Nous savons seulement qu’ils sont venus à la source de la Parole de Dieu.

Il nous faut aussi revenir à la source d’origine de notre vocation pour la vie qui est la nôtre, si nous voulons puiser l’eau pure de nos véritables intentions, l’eau pure qu’aucune pollution n’a touchée durant son cheminement dans l’espace et le temps de son parcours vers la mer. Pour s’y abreuver, il nous faut remonter alors à contre-courant de nous-mêmes et de bien des situations dans lesquelles nous nous sommes enfermés.

Le Jourdain de Jean le Baptiste n’est pas la source jaillissant en vie éternelle. La source, c’est Jésus. « Nous avons trouvé ! » peut s’écrier André en appelant son frère Pierre à partager sa découverte. Et Pierre répond immédiatement, ce qui nous suggère qu’il désirait lui aussi le rencontrer. Il suffisait d’un mot pour l’entraîner.

En l’accueillant, Jésus, comme il l’avait fait sur André e Jean (Jean 1. 36) pose son regard sur lui, avant de prononcer une parole importante pour le Royaume à venir. Ce n’est pas l’invitation souriante et persuasive de la veille. C’est avec autorité qu’il prend possession de son disciple en changeant son nom et en lui imposant sa décision. « Désormais tu es Pierre. » Comme Dieu l’avait fait à Abraham.

L’ACCUEIL DE SON APPEL

André, Jean, Simon-Pierre, chacun à sa manière, entendent l’appel et chacun, à sa manière, y répond. Le Seigneur ne demande pas l’uniformité. Il respecte chaque personnalité, il accepte et même endure les imperfections, allant jusqu’au reniement de saint Pierre. Mais, en eux comme en nous, il sait notre attitude fondamentale et c’est sur elle qu’il appuie son appel.

Les autres lectures de la liturgie de ce dimanche nous sont instructives en ce domaine. Le jeune Samuel entend la voix de Dieu, mais il ne la discerne pas. Il lui faudra l’intervention du prêtre Eli, qui est loin d’être une « perfection », pour entendre « le Seigneur qui vient se placer près de lui… et Samuel  répondit ‘parle, ton serviteur écoute ». (1 Samuel 3. 19)

Les habitants de Corinthe avaient une très mauvaise réputation de débauches de toutes sortes. Il n’y succombait pas tous, mais l’ambiance était tout aussi délétère que celle que nous connaissons dans nos villes contemporaines ou dans les productions médiatiques qui pénètrent en nos foyers. Mais « celui qui s’unit au Seigneur n’est plus qu’un seul esprit avec lui… vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes… vous rendez gloire à Dieu dans votre corps. » (1 Cor. 6. 13)

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« C’est toi qui donnes la vie, c’est toi qui sanctifies toutes choses par ton Fils, Jésus-Christ notre Seigneur, avec la puissance de l’Esprit-Saint. » (Prière eucharistique N° 3)

« Tu verras l’Esprit-Saint descendre sur un homme. C’est lui qui va baptiser avec l’Esprit-Saint. » (Jean 1. 33) Puissions-nous vivre ainsi en chaque Eucharistie !

année liturgique B