Commentaire du Dimanche de la Parole de Dieu

Quelle est la portée du motu proprio ? Le Père Eric Morin, enseignant au Collège des Bernardins et Directeur du Service biblique Catholique Évangile et vie commente la lettre apostolique en forme de motu proprio « Aperuit Illis » paru le 30 septembre 2019.

Père Eric MorinLe 30 septembre 2019, fête de la Saint-Jérôme, patron des amoureux de la Bible, le pape François par un Motu Proprio [1] instaura le Dimanche de la Parole. Un Motu proprio est texte du pape, écrit de sa propre initiative, pour offrir une réflexion ou bien annoncer une décision qui fait force de loi dans l’Église Catholique.

Ainsi, chaque troisième dimanche du temps ordinaire, les communautés chrétiennes sont-elles invitées à célébrer la Parole de Dieu. Certains sont enclins à réagir : « Un dimanche par an ! Mais que fait-on les autres dimanches ? ». Le pape fait confiance aux communautés pour savoir mettre à profit une journée particulière (AI n° 2) qui permette de prendre conscience de ce qui vécu lors de chacune de nos célébrations : recevoir la Parole de Dieu comme un don efficace sans l’accueil duquel nous ignorons le Christ lui-même.

Le temps de la réflexion et du partage d’expérience

En effet, le pape François le rappelle, une idée forte du Concile est de vouloir que les baptisés nourrissent leur relation au Christ par la lecture fréquente et régulière de l’Écriture. De ce point de vue, si l’on peut se dire heureux des progrès accomplis, il convient également d’avoir la lucidité et l’espérance requises pour croire que la réforme conciliaire est devant nous !

En instaurant ce Dimanche de la Parole, le pape François invite à ce qu’il soit l’occasion « d’exprimer la valeur œcuménique » des Écritures et d’être attentifs à « renforcer les liens avec la communauté juive » (AI n° 3). Mais en plus de son aspect pratique, ce texte pontifical nous apporte quelques éléments de méditation sur la Bible elle-même et sa lecture. Il reformule ainsi le lien entre la Bible et les sacrements, rappelle l’importance de la préparation de l’homélie (AI n° 5), et la place qu’elle doit occuper dans la catéchèse (AI n° 5). L’élément unificateur de tout le texte est le récit des pèlerins d’Emmaüs.

Le mystère de la Transfiguration

Inscrivant sa réflexion à la suite de Dei Verbum et de Verbum Domini, ce Motu Proprio n’hésite pas à aller de l’avant dans la réflexion sur le trésor que sont les Écritures. En effet, un élément saillant du texte offert par le pape François réside dans le lien avec le mystère de la Transfiguration (AI n° 14). Après avoir rappelé l’épisode et son lien avec la fête des Tentes déjà évoquée (AI n° 4), le pape affirme : « Cette Transfiguration est semblable à celle de l’Écriture Sainte qui se transcende lorsqu’elle nourrit la vie des croyants ». Puis notre texte cite Verbum Domini au n° 38 : « Dans la saisie de l’articulation entre les différents sens de l’Écriture, il devient alors décisif de comprendre le passage de la lettre à l’esprit. Il ne s’agit pas d’un passage automatique et spontané ; il faut plutôt un dépassement de la lettre ». « Le rôle de l’Esprit Saint dans la Sainte Écriture est fondamental. Sans son action, le risque d’être enfermé dans le texte serait toujours un danger, rendant facile l’interprétation fondamentaliste, d’où nous devons rester à l’écart afin de ne pas trahir le caractère inspiré, dynamique et spirituel que possède le texte sacré. Comme le rappelle l’Apôtre, « la lettre tue, mais l’Esprit donne la vie » (2 Co 3, 6). Le Saint-Esprit transforme donc la Sainte Écriture en une Parole vivante de Dieu, vécue et transmise dans la foi de son peuple saint » (AI n° 9).

Ainsi, c’est dans la multiplication de significations que le texte biblique permet ce mystère de transfiguration : l’Esprit se déploie sur les Écritures étudiées et méditées, proclamées et célébrées, ouvertes par la faction du pain et la bénédiction de la coupe ; ainsi offertes à la puissance de l’Esprit, elles se laissent transfigurer afin qu’il en advienne pareillement pour le croyant qui s’y expose.

La lettre tue, l’Esprit vivifie (2 Co 3, 6)

Le pape François prend bien soin, à raison, de ne pas interpréter cet adage paulinien dans le sens d’une opposition entre lecture juive et lecture chrétienne des Écritures. Mais, il en propose une compréhension qui trace un chemin pour le lecteur de la Bible. Il faut en effet que la lecture des Écritures incise et affûte le regard pour qu’elles donnent de voir autrement le monde, avec le regard du créateur et du rédempteur. Il faut que par la lecture des Écritures, le cœur soit circoncis progressivement, page après page, afin qu’il devienne de chair et batte aux dimensions de l’espérance de Dieu pour le monde. Il faut que la lecture des Écritures dénonce les idoles de ce monde pour ouvrir les chemins d’une vie nouvelle, sur une terre nouvelle, sous des cieux nouveaux, marqués par la justice et la paix. L’Esprit ne peut vivifier ce que la lettre n’a pas incisé, circoncis… L’Esprit ne peut transfigurer sans que la lettre ait dénoncé.

Tel est, semble-t-il, l’enjeu de la lecture, de l’étude, de la proclamation et de la célébration des Écritures : la transfiguration de ce monde et de chacun. Nous savons qu’il s’agit d’un combat et d’un engagement passionnant. Nous avons déjà goûté ce miel, et malgré l’amertume qu’il peut parfois laisser (cf. AI n° 12 citant Ez 3, 3 et Ap 10, 10) nous sommes appelés à profiter de ce dimanche pour rendre contagieux notre amour de la Bible.

Le Motu proprio n’hésite pas à faire des propositions concrètes : lecture proclamée de textes bibliques, remise de lectorat. On peut aussi profiter de l’occasion pour instaurer dans nos communautés des groupes de lecture et d’échange à partir des textes bibliques, constitués de quelques baptisés se réunissant chez eux.

Père Eric Morin

[1] Il est accessible à l’adresse suivante : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/motu_proprio/documents/papa-francesco-motu-proprio-20190930_aperuit-illis.html

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