Débat #1 : Christianisme et éthique en entreprise

3Éthique et christianisme en entreprise – Nous tendons souvent à opposer succès professionnel et accomplissement personnel comme si avoir des ambitions et vouloir évoluer dans un environnement concurrentiel était incompatible avec le fait de fonder une famille, de rester fidèle à ses valeurs ou d’entretenir une vie spirituelle.

Ce débat a donc été l’occasion de s’interroger sur le chemin à suivre pour réussir, s’accomplir dans l’entreprise et dans son travail, notamment en tant que jeune professionnel. Aussi, quelle place pour l’éthique en entreprise dans un monde dominé par la recherche de la rentabilité et du profit ?

Pour débattre de la question, Matthieu Castillon, chef d’entreprise (Panabel Distribution), Maïlys Lemaître, Déléguée à la protection des données chez Lidl France et Monseigneur Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron et accompagnateur de la pastorale des jeunes professionnels de la CEF [ndlr : finalement absent du débat pour cause d’empêchement, il a été remplacé par Mgr Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon], ont été invités à participer la table ronde du 23 janvier organisée en partenariat entre la CEF et l’Ambassade de France au Panama dans le cadre du Festival de la Jeunesse des JMJ.

A cette occasion, nous leur avons posé quelques questions en lien avec leur intervention. Voici leurs réponses :

Quelle est votre définition de l’éthique en entreprise ?

Mathieu Castillon : Pour moi, c’est une notion très personnelle pour laquelle il n’y a pas vraiment de définition objective possible. Il s’agit tout simplement de savoir – et même devoir – se comporter en accord avec soi et ses propres valeurs mais aussi les valeurs qui impliquent le respect de l’autre.

Mgr Aillet : Il s’agit en fait d’une éthique « amie » de la personne, selon l’expression de Benoit XVI, qui exprime une vision complète ou intégrale de l’homme ordonnée à la dignité de la personne et au Bien commun

Maïlys Lemaître : A mon avis, et je rejoins ainsi Matthieu dans ses propos, il y a aussi une notion de respect et de considération de l’autre en tant qu’humain qui est intimement liée à la notion d’éthique. C’est agir également de manière honnête et effectuer son travail correctement au regard des règles de « bonne conduite » en entreprise. Sans oublier que l’éthique, ce n’est pas uniquement lié à moi en tant qu’individu, salariée d’une entreprise, c’est aussi une éthique globale liée à l’entreprise en elle-même !index3

La réussite est, elle aussi, une question fondamentale liée à celle de l’éthique. Comment cette réussite est-elle perçue dans l’Église ?

Mgr Aillet : Il ne faut pas croire que l’Église soit contre la réussite professionnelle, au contraire, elle la promeut. Cela toutefois à la condition qu’elle dépasse une perspective individualiste et soit résolument mise au service du Bien commun, ce qui passe par la logique du don et de la gratuité.

Matthieu, vous qui êtes chef d’entreprise, pensez-vous justement avoir dépassé cette perspective individualiste ? Est-ce qu’être chrétien change quelque chose à votre management ?

Matthieu Castillon : Je pense que j’ai beaucoup appris de mon expérience passée dans une entreprise qui se disait éthique mais n’agissait pas comme tel. Aussi, je m’applique aujourd’hui à ne jamais dire ce que je suis certain de ne pas pouvoir mettre en œuvre, m’assurant ainsi d’un management honnête et respectueux de l’autre.

Dans les affaires aussi, être chrétien change la vision des choses, cela implique en effet d’être le plus clair et le plus transparent possible. Et, encore une fois, si l’on s’engage à quelque chose, que l’on s’affiche comme respectueux de certaines valeurs, alors l’engagement ou les paroles doivent être respectées ! Par ailleurs, je pense que ma considération des personnes n’est pas la même que celle couramment admise ; à mes yeux, les salariés ne sont pas que de simples « ressources » humaines (une expression que je n’apprécie guère), mais bien plus que cela !

Contrairement à Matthieu et ses dizaines d’années d’expérience professionnelle, nous savons que votre parcours à vous Maïlys n’a fait que commencer il y a de cela quelques années. Aussi, avez-vous déjà été confrontée à des questions d’éthique en tant que jeune professionnelle ? 

Maïlys Lemaître: Avant d’être Déléguée à la protection des données chez Lidl, j’ai commencé par travailler dans le conseil. C’était une période de ma vie très difficile ; je travaillais avec acharnement sans vraiment questionner mes orientations ni le sens de mon travail et en exécutant parfois des ordres qui étaient loin d’être éthiques.

C’est ce paradoxe entre la vie professionnelle que je menais et les valeurs que je défendais pourtant par ailleurs qui m’a poussée à me décider à me retrouver avec moi-même, notamment en allant marcher quelques temps sur le chemin de Compostelle. J’y ai alors fait le travail de discernement qui m’était nécessaire pour comprendre qu’il était en réalité impossible pour moi de continuer à évoluer dans un environnement de travail aussi malsain. Cette expérience m’a appris à veiller à rester à l’écoute de l’autre et surtout de moi-même ainsi qu’à toujours travailler dans l’honnêteté et la transparence la plus totale.

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