Les réseaux sociaux vont-ils en enfer ?

SpiraleTémoignage d’Isabelle de Gaulmyn, journaliste et biographe, rédactrice en chef adjointe de La Croix, à l’occasion de l’opération « Toile de Miséricorde », lancée par l’Eglise catholique en France, pour la 50ème Journée mondiale de la communication, dimanche 8 mai 2016.

Dans la Jérusalem céleste, dit l’Apocalypse, « il n’y aura plus ni deuil, ni cris, ni souffrance ». Y aura-t-il encore Facebook et Twitter ? On peut légitimement se demander si les réseaux sociaux n’iront pas plutôt en enfer, dans le bruissement d’une conversation sans fin, l’entrechoquement des phrases qui ne cessent de tourner, de gonfler, avec violence, tant, sur la toile, tout ce qui est dit semble enflammer, exacerber, provoquer…

Si l’amour par nature est communication, nous dit le pape, alors il faut bien reconnaître que toute communication n’est pas Amour. Et surtout pas les réseaux sociaux… Que peut-on dire de la Miséricorde à l’heure des « j’aime ou j’aime pas », des jugements binaires, des phrases à l’emporte-pièce qui doivent tenir en 140 signes TTC…

Briser la spirale

La Miséricorde de Dieu ne peut se lire sans la miséricorde que nous nous portons les uns aux autres. Et c’est bien par là qu’il faut commencer : je garde le souvenir cuisant d’un post de mon blog où je critiquais l’initiative d’un prêtre. Loin de me contenter de parler du geste, je me suis attaqué à l’homme. Nous sommes alors, lui et moi, entrés dans un spirale d’injures, par followers interposés, une sorte de vendetta par le Web, jusqu’à ce qu’un sursaut de sagesse ne nous amène à nous retrouver autour d’un bon plat. Le cercle vicieux était brisé, les portables rentrés, la vendetta est devenue dialogue, le face-à-face anonyme rencontre. La leçon est retenue : derrière l’écran, il y a une autre personne. Derrière ce miroir sans fin où se reflètent les réseaux sociaux, se cachent des vrais visages, avec des vrais esprits. Et qui peuvent, au détour d’un commentaire, d’un tweet, d’une photo postée, devenir aussi de vrais amis.

Faire scandale

Faut-il pour autant renoncer au buzz ? Grave question. On reproche souvent aux cathos leur naïveté, leur gentillesse sucrée, qui leur interdit de dire un mot plus fort que l’autre. Le contraire des réseaux sociaux, en somme… Pas si sûr : la Miséricorde est tout sauf une fade et aimable conversation sans aspérité. Dans l’Évangile, ce qui fait scandale, justement, c’est bien la Miséricorde. Celle qui pousse Jésus à adresser la parole à la femme adultère, ou à s’inviter chez le publicain collecteur d’impôt. La vraie Miséricorde brûle, elle dérange, bouscule, sort de la routine et provoque. Le champ est donc immense pour l’internaute chrétien. Après tout, le scandale de la Croix fait du buzz depuis 2000 ans…

 

 

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