Jean-Paul II et la prière

Depuis 2002, Mgr Francesco Follo est l’Observateur Permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO, à Paris. Auteur de « Prier 15 jours avec Jean-Paul II » (Ed. Nouvelle Cité), il lance la proposition du site portail de l’Eglise catholique en France pour le Carême 2011 : « Cheminer vers Pâques avec Jean-Paul II ».
 

Jean-Paul II et Sainte Véronique

francesco_follo

« Tu devins ce que tu regardais », écrivit Jean-Paul II dans sa poésie intitulée « Véronique ». L’intuition de ce grand Pape donnait à la femme qui, avec beaucoup de courage et compassion, avait essuyé la Sainte Face du Christ sur le chemin de la Croix, le nom (ieros ikon, image sacrée) qu’elle avait mérité par ce geste de pitié. Ce n’est pas seulement le linge qui porte sur lui l’image de la Sainte Face, mais cette femme tout entière et tous ceux qui pendant les siècles ont compati avec le Christ. Compassion dans le sens étymologique du terme, c’est-à-dire pâtir avec, partager avec le Christ sa passion.

A mon avis, Jean-Paul II est comme Sainte Véronique. Il a compati avec le Christ, jusqu’à embrasser sa Croix. Comment oublier les images télévisées de son dernier Chemin de Croix ? On le voyait sur le fauteuil dans sa chapelle privée, avec la Croix dans les bras et le visage appuyé sur le bois, au pied du Christ en Croix.
 

Jean-Paul II, pèlerin et mendiant de l’absolu

Ce grand Pape, qui pour le Christ s’était fait pèlerin dans le monde entier, nous a montré que son dernier pèlerinage était le pèlerinage du cœur. Celui pour lequel il acceptait d’être défiguré par la maladie, comme le Christ avait été défiguré par la Passion. Le Christ mendiant de l’homme avait conduit son Vicaire à être mendiant de Lui. Cette identification fut possible parce que Jean-Paul II était avant tout un homme de prière, c’est-à-dire un mendiant par excellence.

Pour lui, prier n’était pas seulement un précepte donné par le Rédempteur – « Il faut toujours prier » (Luc 18,1) – prier n’était même pas uniquement un conseil. C’était une exigence qui venait du cœur du Christ et s’adressait à son cœur.

C’était du cœur que ce Pape commença et poursuivit le « colloque » entre le fils et le Père, pour le louer, le remercier, l’adorer, lui dire son amour, pour apprendre à connaître sa volonté et lui demander les aides nécessaires pour l’accomplir.
 

Jean-Paul II, roc de prière

En cet homme exceptionnel, je vois avec évidence que la prière n’était ni principalement ni seulement, comme il arrive à beaucoup d’entre nous, le dernier rivage auquel s’accrocher, après avoir essayé d’utiliser des moyens purement humains pour sortir d’une situation difficile, d’une douleur insupportable. Ce n’était même pas un simple dialogue. C’était un événement qui change la vie, en l’élevant, en la transfigurant.

Jésus le Christ, Parole de Dieu faite chair, ne prend pas la forme d’opinions, de discussions, d’affirmations purement doctrinales. Le Christ est un événement et celui qui prie expérimente ce caractère de « fait », auquel adhérer, comme à un roc.

Quand je le voyais prier, ce pape me donnait toujours l’image qu’il était un roc de prière, un bloc vivant de la présence de Dieu.
 

« Les mains sont le paysage du cœur » (titre d’une poésie du Pape)

Certes, comme la Vierge Marie, à qui il était complètement dévoué – (Totus Tuus Ego Sum, sa devise) -, Jean-Paul II gardait la Parole dans le secret de son cœur. Mais il la vivait aussi comme invitation à agir pour et par le Christ. Je m’explique. Quand nous utilisons des mots comme : « contemplation », « silence », « union avec Dieu », « vie intérieure » ou encore « prière », nous avons tendance à les concevoir en opposition ou, au moins, en concurrence avec une série d’autres mots : « action », « bénévolat », « volontariat », « relations avec les autres », etc. Le fait même d’y voir un dualisme est déjà une fausse démarche. Il ne s’agit pas de deux lieux différents, où l’on ne peut être au même moment, mais d’un organisme vivant, auquel les deux choses sont nécessaires et interdépendantes. Un athlète a besoin de la respiration et des muscles ensemble, et au même moment. Nous ne pouvons et ne devons pas opposer l’action à la prière. Les deux sont nécessaires et doivent toujours être des « gestes ». A l’exemple de la vie des premiers chrétiens qui intégraient prière et action, comme le montrent les Actes des Apôtres (Actes 2, 42 ; 4, 32 ; 5, 12).

Quand on regardait Jean-Paul II prier, on était d’abord touchés par sa manière de faire. Toute sa personne montrait recueillement et amour, simplicité et abandon : une immersion en Dieu. Quand après avoir prié, il retournait au quotidien, il avait dans les yeux la lumière de la Présence de Dieu, qu’il avait vue.

Pour Jean-Paul II, la prière n’était pas une chose à faire parmi d’autres. Elle était le contenu de sa vie, de son cœur, dont les mains sont le paysage.

Que le futur Bienheureux nous intercède la grâce d’avoir des mains comme les siennes : jointes dans la prière et ouvertes pour l’accueil.

Mgr Francesco Follo
Observateur Permanent du Saint-Siège auprès de l’UNESCO
 

La prière selon Jean-Paul II

* »Il y a plusieurs définitions de la prière. Mais on l’appelle le plus souvent un colloque, une conversation, un entretien avec Dieu. En conversant avec quelqu’un, non seulement nous parlons, mais aussi nous écoutons. La prière est donc aussi une écoute. Elle consiste à se mettre à l’écoute de la voix intérieure de la grâce. A l’écoute de l’appel. Et alors, comme vous me demandez comment le Pape prie, je vous réponds: comme tout chrétien, il parle et il écoute. Parfois, il prie sans paroles, et alors il écoute d’autant plus. Le plus important est précisément ce qu’il « entend ». Et il cherche aussi à unir la prière à ses obligations, à ses activités, à son travail. Et à unir son travail à la prière. De cette manière, jour après jour, il cherche à accomplir son « service », son « ministère », qui lui vient de la volonté du Christ et de la tradition vivante de l’Eglise ».

*Dialogue de Jean-Paul II avec les jeunes à Paris, le 1er juin 1980

Sur le même thème

  • Carême et Pâques

    Carême, Semaine Sainte et Pâques

    Pâques est le cœur même de la foi chrétienne. C’est pourquoi les chrétiens se préparent à la fête de Pâques depuis le début du Carême, et en particulier tout au long de la Semaine Sainte.

ça peut également vous intéresser

vatican : lexique
le rôle des papes

en direct du Vatican