Benoît XVI et l’unité des chrétiens en questions

Comment Benoît XVI aborde-t-il la question de l’unité des chrétiens ?

Dès son élection, le pape Benoît XVI a affirmé sa volonté de « faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire avancer la cause fondamentale de l’œcuménisme. » (Message lu en latin à l’issue de la Messe concélébrée le matin du 20 avril 2005 en la Chapelle Sixtine).

Il a rappelé cet engagement irréversible de l’Eglise catholique à plusieurs reprises, notamment aux secrétaires des Communions chrétiennes mondiales le 27 octobre 2006 : « Nous pouvons nous sentir découragés lorsque les progrès sont lents, mais l’enjeu est trop important pour que nous puissions revenir en arrière. »

Quelles sont les actions menées pour l’unité des chrétiens ?

Cet engagement s’est manifesté par la poursuite des relations développées par ses prédécesseurs au lendemain du Concile Vatican II, grâce au Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens, présidée par le cardinal Kasper :

• Par une coopération avec le Conseil Œcuménique des Eglises, dans le cadre de la commission Foi et constitution et d’un groupe de travail, dont il a rappelé l’importance au secrétaire général du COE, Samuel Kobia, le Jeudi 16 juin 2005. L’Eglise catholique participe également au Forum chrétien mondial, avec des communautés évangéliques-pentecôtistes, jusque-là en marge du mouvement œcuménique.

• Par de nombreuses rencontres avec des représentants des différentes confessions chrétiennes : La proximité théologique avec l’Eglise orthodoxe sur de nombreux points explique ses démarches avec les patriarcats de Constantinople (il s’est rendu à Istambul, où il a rencontré le Patriarche Bartholomée en novembre 2006) et de Moscou (visite du patriarche Alexis II en France, en octobre 2007). Mais il a reçu aussi des représentants des confessions issues de la réforme : anglicans (archevêque de Canterbury en novembre 2006) et protestants (méthodistes, luthériens et baptistes…)

• Par une quinzaine de dialogues officiels, qui continuent de produire des documents importants, notamment entre catholiques et orthodoxes sur le rapport entre primauté et conciliarité (Document de Ravenne en octobre 2007). Surtout, en juillet 2006, le Conseil méthodiste mondial a ratifié à son tour la Déclaration commune sur la justification signée, en 1999 entre l’Eglise catholique et la Fédération luthérienne mondiale, sur la question qui fut à l’origine de la réforme protestante.

Quel dialogue sur le plan théologique ?

Le pape Benoît XVI, comme théologien, accorde une grande importance au dialogue théologique en vue de parvenir à l’unité visible de l’Eglise. Tout en reconnaissant les progrès accomplis, il a reconnu « la difficulté de trouver une conception commune sur la relation entre l’Evangile et l’Eglise et, en relation à cela, sur le mystère de l’Eglise et de son unité et sur la question du ministère dans l’Eglise. » Il a souligné aussi que « de nouvelles difficultés sont ensuite apparues dans le domaine éthique », nécessitant un dialogue approfondi sur l’anthropologie chrétienne. (discours au Conseil pontifical le 17 novembre 2006)

Quelle attitude prône-t-il pour progresser ?

Pour parvenir à un réel progrès, Benoît XVI est convaincu que la rigueur dans la recherche de la vérité est nécessaire : « C’est uniquement en « gardant fermement » l’enseignement sûr (cf. 2 Ts 2, 15) que nous réussirons à répondre aux défis auxquels nous sommes appelés à nous confronter dans un monde qui change. Ce n’est qu’ainsi que nous donnerons un témoignage ferme à la vérité de l’Evangile et à son enseignement moral. Tel est le message que le monde s’attend à entendre de nous. » (discours à New-York, le 18 avril 2008). C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre les réponses, publiées par la congrégation sur la doctrine de la foi en juillet 2007 sur quelques questions relatives à la doctrine de l’Eglise.

Comment se présente l’oecuménisme en France ?

La France est un pays qui a une longue expérience oecuménique, illustrée par des personnalités comme l’abbé Paul Couturier (initiateur de la Semaine de prière pour l’unité dans sa conception actuelle, en 1935, et du Groupe des Dombes, en 1937), le Père Yves Congar (qui a écrit la première grande synthèse sur l’œcuménisme, Chrétiens désunis, en 1937) ou le pasteur Marc Boegner. Cette expérience a été forgée dans un contexte marqué par les relations séculaires entre catholiques et protestants réformés ou luthériens, numériquement très minoritaires (1,2 % de la population française).

Mais l’expérience oecuménique française s’est développée surtout sur le terrain, sous des formes très diverses : prière pour l’unité (du 18 au 25 janvier et début mars), groupes œcuméniques, rencontres régulières entre prêtres et pasteurs, associations (Avents, Amitiés-rencontres), mouvements (Sève), lutte pour les droits de l’homme (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), foyers mixtes.

Cette expérience connaît aujourd’hui un nouvel élan sous l’impulsion de communautés nouvelles (Chemin Neuf, Fondacio, Focolari) et du réseau « Ensemble pour l’Europe », à l’occasion d’expositions bibliques locales, d’engagements pour la sauvegarde de la création et de rassemblements de type charismatiques.

Quelles instances sont chargées de ces questions ?

La concertation entre les principales familles chrétiennes sur les questions de société dans le contexte très particulier de la « laïcité à la française » se fait, au niveau national, par le Conseil d’Eglises chrétiennes en France, fondé en 1987,dont les co-présidents ont signé la Charte œcuménique européenne le 14 mai 2008, dans le prolongement du 3° Rassemblement œcuménique européen de Sibiu (Roumanie) en septembre 2007. Dans plusieurs régions (Belfort, Lyon, Nîmes…), il existe des institutions semblables au CECEF.

L’Eglise catholique mène actuellement cinq dialogues officiels, par quatre comités mixtes (avec les orthodoxes, la communion protestante luthro-réformée, la communion anglicane et la Fédération des Eglises baptistes) ainsi qu’un groupe de conversation avec l’Alliance évangélique française. On peut également mentionner l’existence du Groupe des Dombes, instance non officielle de dialogue entre théologiens ou pasteurs catholiques et protestants.

Il existe des lieux de recherche de niveau universitaire (Facultés de théologie catholique et protestante de l’Université d’Etat de Strasbourg, Institut supérieur d’études oecuméniques, rattaché à l’Institut catholique de Paris, Chaire d’œcuménisme à l’Institut catholique de Lyon). La présence d’immigrés grecs et surtout russes (à l’origine de l’Institut de théologie orthodoxe Saint Serge) joua aussi un rôle non négligeable au plan institutionnel et théologique. Il faut évoquer aussi des centres oecuméniques (Istina à Paris, Unité chrétienne et Saint-Irénée à Lyon, Centre œcuménique luthérien à Strasbourg), et des revues (Unité des chrétiens, Istina).

Quels défis pour l’oecuménisme en France aujourd’hui ?

Aujourd’hui la France connaît des mutations semblables à celles des autres pays d’Europe, à deux niveaux :

– diversification des présences ecclésiales, à la faveur de migrations et déplacements de population pour des raisons diverses : multiplication des communautés orthodoxes (six juridictions dont les fidèles représenteraient 700.000 fidèles selon le COE), développement de l’anglicanisme (pour résider ou pour travailler dans des pôles technologiques), profusion de communautés évangéliques (environ 400.000 fidèles).
– transformation des mentalités (individualisme, primat de l’expérience, de l’affectif), qui se traduit par un succès grandissant des réseaux de type charismatique (rassemblements interconfessionnels sans souci explicite d’unité des Eglises).

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