Benoît XVI et l’unité des chrétiens

La culture théologique et historique exceptionnelle de Benoît XVI ont permis de faire progresser l’unité des chrétiens. Explications par le Père Emmanuel Gougaud, ancien Directeur du Service national pour l’unité des chrétiens au sein de la Conférence des évêques de France.

Dès son élection en 2005, le pape Benoît XVI a exprimé sa ferme résolution de « faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire avancer la cause fondamentale de l’œcuménisme » (Message à l’issue de la messe concélébrée, le 20 avril 2005 en la Chapelle Sixtine). Cet engagement s’est manifesté par la poursuite des relations initiées par ses prédécesseurs au lendemain du concile Vatican II. De par son riche passé universitaire, Benoît XVI possède une culture historique et théologique exceptionnelle. Grâce à elle, il a voulu offrir une synthèse entre l’unité de foi de l’Église du Christ et les heureuses diversités de la vie chrétienne. En définitive, la pertinence de sa pensée a engendré des progrès considérables dans le dialogue œcuménique.

Pendant son mandat de préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, il s’est personnellement engagé en faveur de la Déclaration commune sur la justification lors de l’Accord d’Augsbourg de 1999 entre l’Église catholique romaine et la Fédération luthérienne mondiale (1). De même, en 1994, il fut l’artisan d’un accord christologique entre l’Église catholique romaine et l’Église assyrienne d’Orient, héritière des « Nestoriens » des premiers siècles. Ce premier document fut suivi d’un second contenant des orientations pour l’admission à l’eucharistie entre l’Église chaldéenne et l’Église assyrienne d’Orient. Ces textes initient la méthodologie œcuménique du consensus différencié (2).

Pour Benoît XVI, l’œcuménisme renvoie d’abord à la foi

En définitive, sa conception de l’œcuménisme s’exprime et se résume dans cette phrase prononcée à Erfurt en septembre 2013 : la chose la plus nécessaire pour l’œcuménisme est, par-dessus tout que, sous la pression de la sécularisation, nous ne perdions pas, presque par inadvertance, les grandes choses que nous avons en commun, qui en elles-mêmes nous rendent chrétiens et qui sont restées comme un don et un devoir (3).

Un résumé de l’action de Benoît XVI en faveur de l’unité des chrétiens

La vision du pape sur l’unité des chrétiens s’exprime ici en plénitude ! Le Service national pour l’unité des chrétiens a recensé, de manière très claire les progrès en faveur de l’unité des Chrétiens sous le pontificat de Benoît XVI (4). Cet article énumère les différentes initiatives du pape émérite. Il expose les convictions du Saint Père, les dialogues théologiques intensifiés ou initiés à son initiative, ses rencontres avec les responsables d’Églises et communautés chrétiennes. En définitive, Benoît XVI a fait progresser de manière indubitable et irréversible le dialogue œcuménique et la cause de l’unité des disciples du Christ !

Nouvelle problématique œcuménique définie par Benoît XVI

Depuis quelques années, sous l’impulsion de Benoît XVI, l’Église catholique romaine, les Églises et communautés ecclésiales ont pris acte d’une divergence dans leurs représentations respectives de l’unité recherchée. Il s’agit d’un problème méthodologique. Pour tracer le chemin vers l’unité, il est nécessaire, auparavant, de la définir. Sans accord sur l’objectif à poursuivre, nos chemins vont aller en s’écartant. La vision et les actions pour l’œcuménisme renvoient à la problématique encore plus fondamentale de la définition de l’Église. La difficulté est de savoir ce qu’est l’Église, pour les catholiques, les orthodoxes, les protestants. Selon le type d’Église souhaitée, l’action en faveur de l’unité est distincte.

À la suite de la précédente présentation déjà citée, nous voulons mentionner les convictions du pape Benoît XVI sur l’unité des chrétiens, à l’aune de cette problématique. Nous nous inspirerons de deux discours prononcés le 23 septembre 2011 à Erfurt dans l’ancien couvent de Martin Luther, paradigmatiques de la pensée du Pape.

Les convictions de Benoît XVI sur l’unité des chrétiens

L’œcuménisme doit d’abord rendre grâce pour Celui qui nous unit, plus fort que tout ce qui nous sépare. C’était l’erreur de l’âge confessionnel d’avoir vu en majeure partie seulement ce qui sépare, et de ne pas avoir perçu de façon existentielle ce que nous avons en commun dans les grandes directives de la Sainte Écriture et dans les professions de foi du christianisme antique. Le grand progrès œcuménique des dernières décennies est pour moi, que nous nous soyons rendu compte de cette communion (5).

Dans un processus de cercle vertueux, plus le chrétien est uni au Christ et plus il sera uni aux autres chrétiens. Ainsi, l’œcuménisme obéit fondamentalement à une logique spirituelle. Comme les martyrs de l’époque nazie nous ont conduits les uns vers les autres, et ont suscité la première grande aventure œcuménique, ainsi aujourd’hui encore, la foi, vécue à partir du plus profond de nous-mêmes, dans un monde sécularisé, est la force oecuménique la plus forte qui nous réunit, nous guidant vers l’unité dans l’unique Seigneur. (6)

Et en conséquence, la recherche de l’unité des chrétiens se vit d’abord dans la prière. On fait de l’œcuménisme à genoux. Dans la prière de Jésus se trouve le lieu intérieur de notre unité. Nous deviendrons un si nous nous laissons attirer dans cette prière. (…) Plus nous nous laissons entraîner dans cette dynamique, plus se réalise l’unité (7).

L’œcuménisme doit éviter de n’être qu’un plus petit commun dénominateur entre chrétiens ou une affaire de théologiens et de spécialistes. Il n’est pas possible de considérer l’œcuménisme comme un jeu diplomatique ou un calcul de techniciens. Quand un chef d’État visite un pays ami, généralement, cela est précédé par des contacts entre les instances, pour préparer la passation d’un ou de plusieurs accords entre les deux états : dans l’évaluation des avantages et des désavantages, on arrive au compromis qui, à la fin, apparaît avantageux pour les deux parties, si bien qu’ensuite le traité peut être signé. Mais la foi des chrétiens ne se base pas sur une évaluation de nos avantages et désavantages. Une foi auto-construite est privée de valeur. La foi n’est pas quelque chose que nous concoctons ou déterminons. Elle est le fondement sur lequel nous vivons. L’unité grandit non grâce à l’évaluation d’avantages et de désavantages, mais seulement en pénétrant toujours plus profondément dans la foi (8).

Le pape considère le dialogue entre chrétiens comme une excellente actualisation de la foi personnelle. Par la rencontre avec d’autres traditions chrétiennes, le baptisé reçoit des dons spirituels pour réformer sa propre foi. Bien sûr, la foi doit être repensée, et surtout elle doit être vécue aujourd’hui d’une manière nouvelle, pour devenir quelque chose qui appartient au présent. Mais ce n’est pas l’édulcoration de la foi qui aide, mais seulement le fait de la vivre entièrement dans notre aujourd’hui (9).

Chaque confession doit cultiver ses propres richesses spirituelles afin de les proposer aux autres. À l’instar de la tentation d’édulcorer la foi pour plaire à la sécularisation, les chrétiens ont cru promouvoir l’œcuménisme en abandonnant leurs spécificités ou les différences séparatrices. Le pape pense le contraire. Assumer son identité est la condition de la rencontre en vérité. À Erfurt, par exemple, il rappelle la démarche initiale et motrice de Luther : Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ? » Que cette question ait été la force motrice de tout son chemin [de Luther], me touche toujours à nouveau profondément. […] cette question brûlante de Luther doit devenir de nouveau, et certainement sous une forme nouvelle également notre question, non de manière académique mais réellement. Je pense que c’est là le premier appel que nous devrions entendre dans la rencontre avec Martin Luther (10).

Les Églises confessionnelles historiques doivent engager un dialogue confiant avec les communautés ecclésiales de types évangéliques et pentecôtistes. Les unes et les autres sont invités à se stimuler mutuellement. Ce phénomène mondial nous place tous devant la question : qu’est-ce que cette nouvelle forme de christianisme a à nous dire de positif et de négatif ? En tous cas, elle nous met de nouveau face à la question de savoir ce qui demeure toujours valable, ce qui peut ou doit être changé, par rapport à la question de notre choix fondamental dans la foi (11).

Pour toutes ces raisons, les catholiques rendent grâce à Dieu pour l’engagement spirituel, théologique et pastoral de Sa Sainteté Benoît XVI en faveur de l’unité des Chrétiens !

[1] http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/documents/rc_pc_chrstuni_doc_31101999_cath-luth-joint-declaration_fr.html

[2] http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/sub-index/index_east-assyrian_fr.htm

[3] http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2011/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20110923_evangelical-church-erfurt.html

[4] https://www.eglise.catholique.fr/vatican/benoit-xvi/benoit-xvi-en-france/reperes/benoit-xvi-et-lunite-des-chretiens/371994-benoit-xvi-et-lunite-des-chretiens-en-questions/

[5] http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2011/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20110923_evangelical-church-erfurt.html

[6] http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2011/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20110923_evangelical-church-erfurt.html

[7] http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2011/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20110923_augustinian-convent-erfurt.html

[8] Idem.

[9] http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2011/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20110923_evangelical-church-erfurt.html

[10]http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2011/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20110923_evangelical-church-erfurt.html

[11] Idem.

repères

biographie de benoit xvi
la renonciation de benoit XVI
encyclique de benoit XVI
les voyages de Benoit XVI

sur le site du Saint-Siège

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