« La confiance : une dynamique de la vie » par Mgr Maillard

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Réflexion de Mgr Armand Maillard, archevêque de Bourges, pour le Dimanche de la Santé 2014, le 9 février, sur le thème : « Sur un chemin de confiance ».
 
La confiance dit quelque chose de notre vie. Elle « est un équilibre fragile qui peut être remis en cause » facilement, ne serait-ce que par le rythme et les évolutions de la société. Elle n’est pas étrangère à la foi puisque cette dernière « imprègne toutes les dimensions de la personne » lorsqu’elle est reçue comme don de Dieu et appel.

En accompagnant les personnes éprouvées dans leur santé, la pastorale de la santé fait l’expérience de la confiance comme de la prière qui produit des fruits.
 

La confiance, précieuse mais fragile

La confiance, dans nos existences, renvoie chacun de nous à son histoire personnelle : il est des moments où nous avons vécu dans la confiance à l’occasion d’un événement, d’un engagement, d’une épreuve surmontée ; la confiance est alors synonyme d’équilibre, de bonheur, de satisfaction, d’épanouissement, de croissance, de possibilité nouvelle. Dans la confiance, la personne donne toute sa mesure, et même vit dans la satisfaction de ce qu’elle a pu réaliser, devant le résultat de son entreprise. Cette confiance permet de déployer les possibles de notre vie et s’appuie sur la conjonction de différentes dimensions de notre personne : la santé physique, l’épanouissement psychologique, les relations avec l’entourage, l’engagement professionnel, l’investissement dans l’associatif, le travail intellectuel, les loisirs et le repos, les affections qui épanouissent notre vie : toutes ces dimensions sont concernées et un équilibre est ressenti dans l’unité de la personne. Il n’y a pas de recette magique pour établir et renforcer la confiance.

La confiance est un équilibre mais un équilibre fragile qui peut être remis en cause par les épreuves de la vie, par les contrariétés de la vie, par la maladie, par les troubles relationnels, par les échecs affectifs, par des imprévus ; et le monde d’aujourd’hui, par son rythme et ses évolutions, peut vite déstabiliser une personne, l’isoler et la déprimer.
 

La confiance de Dieu et en Dieu

La foi elle-même est une confiance qui nous habite, qui traverse nos existences ; elle imprègne toutes les dimensions de la personne ; s’incarne dans notre comportement le plus quotidien et rayonne autour de nous : elle est source d’épanouissement, nous donne une force pour affronter et surmonter les épreuves. Pour nous, cette foi s’enracine dans l’attachement à une personne, le Christ, que nous rejoignons par sa Parole. La foi elle-même est un don reçu, elle n’est pas que le produit de nos efforts, de notre stratégie, de notre intelligence, de nos relations, de nos moyens : elle implique donc que nous nous ouvrions à ce don de Dieu que nous ne nous donnons pas mais que nous recevons de Dieu au moment de notre baptême. Nous ne nous baptisons pas nous-mêmes et même lorsque nous sommes adultes, nous recevons le baptême de l’Eglise entourés de la famille, des parrains, des amis. La confiance reçue par le baptême est une réponse à un appel, comme nous le voyons constamment dans la Bible et dans l’Evangile : c’est Dieu, c’est Jésus qui appelle et qui met en confiance. Il donne la force de répondre, de le suivre et d’assumer les changements que la conversion entraîne. On peut dire que Jésus appelle, met en confiance, vient chercher l’homme et ne lui dit pas où il le conduit mais d’être avec lui, et cela suffit à instaurer la confiance qui permet d’affronter l’imprévu. Il y a une part d’aventure dans la vie chrétienne et dans la vie tout court : qui peut dire que sa vie présente avait été parfaitement et clairement programmée ? La destinée des saints peut être analysée comme une aventure vécue dans et grâce à la confiance, même dans les moments difficiles. On peut même dire que le chemin de croix a été vécu par Jésus dans la confiance au Père, même si les humains l’avaient lâché. On peut même ajouter que la confiance/foi est contagieuse : ne dit-on pas de quelqu’un qu’il inspire confiance ? Une personne heureuse peut redonner confiance à une personne triste ou dépressive.
 

La confiance dans l’action pastorale

Sur ce chemin de la confiance, la maladie, quelle qu’en soit la forme, est une épreuve. C’est une épreuve de vérité qui peut la remettre en cause ou au contraire la renforcer. La pastorale de la santé est une instance privilégiée où se joue, se construit ou se reconstruit la confiance éprouvée par la maladie. Au nom de l’Eglise, la personne qui visite rencontre la personne atteinte, l’écoute, l’accueille, établit le dialogue. Et c’est souvent la première marche qui fait renaître la confiance : être écouté, regardé, pris au sérieux. La parole échangée est souvent une première libération. La patience et la durée sont souvent des éléments qui permettent une maturation, une évolution de la personne lorsque l’on sait que l’on est attendu, que l’on peut poser les questions lourdes et peut-être non résolues dans son existence. Le recul permet de relativiser les difficultés. La parole échangée même dans la souffrance ou la maladie établit une relation qui, par elle-même, est une sortie de l’isolement, source première d’une perte de confiance. « Je compte pour quelqu’un ».

La prière partagée, quand cela est possible, est une sortie de l’isolement. Notre religion est une religion de l’Alliance et de l’Alliance entre Dieu et les hommes ; et ce cœur de notre Révélation chrétienne fonde la relation fraternelle que nous sommes amenés à établir entre les êtres humains. Malgré les obstacles et les difficultés, nous ne renonçons pas à appeler à la fraternité comme un chemin de libération de toutes les formes d’esclavage. À cet égard, cette prière peut s’appuyer sur la Parole vécue de Dieu lorsqu’elle peut être partagée, elle donne un nouvel élan sur le chemin de la confiance. C’est une parole qui peut alors devenir re-création. Lire un psaume qui évoque souvent la condition éprouvante de la souffrance nous relie à tous ceux qui l’ont lu avant nous ou qui le lisent à travers le monde : quelle belle expérience de communion de ceux qui partagent la même foi ! De même, lire un récit de rencontre de Jésus avec un aveugle ou un malade pour le remettre debout dans la confiance à ses côtés en lui redonnant place dans la société.
 

Dimanche de la santé

En ce dimanche de la santé, nous découvrons paisiblement et dans la confiance la fraternité qui fait vivre chacun de nous : malades, soignants, visiteurs, parents, nous sentons la proximité de notre condition même au cœur de nos fragilités plus ou moins visibles mais reconnues. Un avenir peut s’ouvrir là où l’horizon pourrait paraître obscur…

Les lectures de ce dimanche nous indiquent les chemins de fraternité qui sont sources de confiance comme une Bonne Nouvelle que l’on n’osait plus espérer ! Isaïe nomme celui qui a faim, celui qui est sans abri, sans vêtement, autant de situations transposables dans notre société. Le Seigneur te dira : ‘Me voici’, ne crains pas d’affirmer le Seigneur. Paul ne craint pas d’évoquer ses fragilités : « faiblesse, crainte, tremblement ». Ses inconvénients ne l’empêchent pas de « proclamer l’Evangile ».

Jésus lui-même ne craint pas d’utiliser ces images si courantes du sel qui donne goût et qui conserve, de la lumière qui éclaire tout homme : « En voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à Dieu ».

La liturgie, la célébration où a toute sa place la gloire de Dieu dévoilée et proclamée par anticipation, est source d’une confiance inconditionnelle dans l’œuvre de Dieu.

Mgr Armand Maillard
Archevêque de Bourges
 

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