« Le cri du monde agricole » par Mgr Podvin
Certes, la sécheresse, si elle persiste, sera un facteur aggravant pour l’état économique et social du monde agricole. Mais la crise est antécédente et chronique. On aurait tort de reléguer les expressions de ce diacre au simple chapitre de revendications corporatistes. Elle est trop facile, la boutade selon laquelle « le paysan se plaint toujours ». On n’a pas le droit d’esquiver le débat par une pirouette oratoire indécente. Les métiers de la terre vont mal. Si certains d’entre eux ne sont pas en détresse, raison de plus pour nous préoccuper de ceux qui, en leur sein, n’en peuvent plus! Il n’est pas honnête d’invoquer les disparités des agriculteurs entre eux pour ne pas les écouter. Il y va de notre relation à la création. A l’environnement. A l’espace rural. A la fraternité !
Le paysan souffre de trois S. Le surmenage, le surendettement, la solitude. S’y ajoute un quatrième, la sécheresse. Comment peut-il tenir psychiquement quand il entend la radio lui répercuter, sur son engin agricole, une actualité faite de bling bling aux couleurs arc en ciel politicien, et de paillettes festivalières. Qui le comprendra ? La sirène populiste? On mesure pourquoi Benoît XVI évoque l’urgence d’une « écologie humaine ». C’est à dire venant réconcilier l’humain et l’environnemental. Et non dans sa réduction idéologique ambiante. La détresse des ruraux ne peut laisser indifférents. Elle revêt un caractère existentiel aigu. C’est une erreur, de la part d’une société à dominante urbaine, de ne pas prendre aussi pour elle le désarroi de certains acteurs des campagnes. Dans l’interdépendance d’aujourd’hui, nous sommes tous concernés par tous ! On m’objectera la réussite florissante d’un certain rural ? Raison de plus pour entendre le rural dont la pudique détresse ne parvient pas à se verbaliser.
L’enjeu est social. Mais aussi spirituel : chaque eucharistie est offrande du fruit de la terre et du travail des hommes. Impossible d’y méconnaître, dans le Christ, le visage de ceux qui paient de leur vie le fruit de ce travail ! Signe des temps : beaucoup de personnes, pour leur équilibre de vie, renouent avec un potager, un espace vert à entretenir. Ce témoignage sonne juste dans une société de béton et d’ordinateurs. N’est-ce pas la preuve qu’on ne peut jamais congédier l’homme de l’environnement? Mais le placer devant sa redoutable responsabilité. Merci à ce diacre de Rodez. Je prie pour lui et ses collègues !
Père Bernard Podvin
La Croix du Nord (édition du 13 au 19 mai 2011)