Frère Pierre-Jean, défenseur des mineurs migrants

Frère Pierre-Jean-AlardDans son discours, aucune tonalité idéologique. « Vivre en étranger aide, explique-t-il simplement, à comprendre pas mal de choses ». C’est en Turquie en tant qu’étudiant Érasmus en 3ème année de Licence en Droit à l’Université Galatasaray d’Istanbul que le jeune Nordiste, né à Douai, a vécu ce renversement tout à la fois culturel et spirituel. Une expérience tellement forte qu’il lui doit sa vocation. Dans ce pays, sa rencontre avec les Salésiens l’a en effet amené à fréquenter de nombreux clandestins africains. Cet éveil à l’internationalité ainsi qu’une expérience en Afrique auprès des enfants des rues en tant que volontaire au sein de la Communauté Bondeko Ya Sika, à Kinshasa, en République Démocratique du Congo, ont été déterminants.

Suivre Don Bosco, c’était manifester auprès de tous les jeunes mineurs migrants en détresse de notre temps la même attention bienveillante que cet éducateur hors pair manifesta envers les gamins défavorisés du XIXème siècle de Turin.

En Andalousie, durant son année de discernement dans la Congrégation, Pierre-Jean les rencontrait dans un centre d’accueil de jour, le soir dans des squats et lors de distributions alimentaires auxquels ces jeunes eux-mêmes prêtaient la main. De retour en France après son noviciat en Italie, un stage pratique l’a amené à accompagner nombre de mineurs migrants, dans une relation d’absolue confiance, dans leurs démarches auprès de consulats. Et ceci en établissant des liens entre des communautés laïques et les œuvres sociales des Salésiens, car, dit-il, « on n’entend pas faire cavalier seul en récréant des structures qui existent déjà. Notre désir c’est de rendre service ».

Des compétences au service d’une vocation

C’est son provincial qui lui a demandé de suivre un Master 2 en Droit des Étrangers et Migrations, le seul dans le genre, à Toulon. Afin de consacrer son talent de juriste à cette mission. Aujourd’hui frère Pierre-Jean -qui a fait ses premiers vœux en 2014- est donc chargé de mission pour les MNA (Mineurs Non Accompagnés) de la Province France-Belgique Sud- Maroc. Ces jeunes, Pierre-Jean les rencontres surtout via l’action sociale et scolaire de la Congrégation, les propositions de l’association Don Bosco Jeunes et les différentes communautés salésiennes. Un lieu, la paroisse salésienne de Lille Sud, en collaboration avec une association protestante, l’ABEJ (Association Baptiste pour l’Entraide et la Jeunesse), héberge quelques-uns de ces jeunes en attente de l’évaluation de leur minorité et de leur isolement par le département du Nord. Quasiment tous les MNA sont scolarisés dans le public. Le travail de Pierre-Jean? « Faire remonter tout ce qui se vit, mutualiser les ressources, pousser les acteurs locaux à travailler en réseaux avec d’autres partenaires ». Et aussi accompagner travailleurs sociaux et communautés éducatives (enseignants, familles, élèves) afin « de les sensibiliser à tous les niveaux » car il s’agit de fournir à ces jeunes des acquisitions culturelles mais aussi sociétales (le « vivre ensemble », le rapport hommes-femmes…). « Il faut aller, plaide Pierre-Jean, au-delà du militantisme et du caritatif pour se professionnaliser afin de ne pas sauter des étapes importantes ». Afin d’aider à cette formation, il a notamment co-rédigé, dans le cadre d’un stage de quatre mois aux Apprentis d’Auteuil de Brignoles, un guide d’accompagnement juridique interdisciplinaire. De sa mallette d’animateur globe-trotter il sort également « un bel outil » destiné à des sensibilisations auprès des collèges et d’aumôneries : « Sur la route avec les migrants » (voir encadré).

« Être avec ces jeunes mineurs migrants, témoigne Pierre-Jean, c’est aussi les confier dans ma prière. Dans le travail social que je fais chaque jour à leurs côtés, eux me renvoient vers Dieu ».

Une sensibilisation pour rendre concret les migrations

Imaginé à Toulon par des étudiants du Master Droit des étrangers originaires de sept pays, avec l’Association des Maisons Don Bosco et le collège Bon Accueil à Toulon, la sensibilisation « Sur la route avec les migrants » est adapté au programme de géographie et d’EMC (Enseignement Moral et Civique) des classes de quatrièmes : Interactif, il vise à mettre les jeunes dans la peau de migrants en quête de la « République de Terre Promise », 34 histoires élaborées par des jeunes du réseau salésien qui ont accepté de témoigner, permettent des jeux de rôles : « je suis un réfugié climatique », « je suis un ancien enfant des rues », etc. Des outils très concrets (passeport, récépissé de titre de séjour…) sont mis à disposition et différentes scènes sont jouées : avec des passeurs qui viennent les chercher, les forces Frontex[1] qui les bloquent, des douaniers mafieux qui se livrent à la corruption, des membres de la Cimade qui les aident à remplir leurs demandes de séjour, etc.

La sensibilisation s’organise sur deux jours, une heure en classe afin de partir des connaissances des jeunes sur les migrations et partager le témoignage de jeunes adultes ayant été MNA, puis une phase d’expérience, sous la forme de jeu de rôle d’une heure également suivie d’une relecture (en 45 minutes) de ce qui s’est vécu.

[1] Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’UE.

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