Lorsque la solidarité devient contagieuse

abbaye ND du Port-du-SalutC’est l’histoire, dans le diocèse de Laval, d’une chaîne de solidarité dont les maillons ne cessent de s’allonger autour d’une abbaye cistercienne et de l’accueil de personnes en errance.
Par Chantal Joly

 Au début est une fragilité, celle d’une communauté de sept moines qui s’attelle à Entrammes, en Mayenne, à perpétuer la tradition de l’hospitalité monastique et en particulier celle de Saint Benoît : « Tous les hôtes doivent être reçus comme le Christ ». « À l’occasion de notre bicentenaire, je lisais dans les chroniques de l’abbaye que des files énormes se pressaient ici pour se faire donner un peu de pain et une soupe. Cet accueil aux pauvres nous semble une priorité », explique Dom Joseph, Père Abbé de Notre-Dame du Port-du-Salut.

Prendre le temps du dialogue

Indépendante de l’hôtellerie qui accueille des groupes, une pièce était donc réservée aux « voyageurs ». Mais au fil du temps, de plus en plus de personnes et de plus en plus jeunes se présentaient à l’abbaye. Incident qualifié de « providence » par le Père Abbé ; un jour, le local est complètement dévasté. L’équipe paroissiale du Secours Catholique ayant proposé un coup de main se voit chargée de le rafraîchir et en 2011, grâce à l’opération 10 millions d’étoiles menée en partenariat avec les communes du secteur, la douche est refaite et le local rénové, la capacité d’accueil passant à 4 lits. Là-dessus se greffe la démarche lancée par l’Église de France « Diaconia 2013-Servons la Fraternité ».

Désormais, seize bénévoles du Secours Catholique et citoyens solidaires épaulent l’abbaye trois jours par semaine pour l’hébergement d’urgence, en lien avec le 115. Par tandems, certaines personnes assurent les arrivées du soir et d’autres (souvent celles qui n’ont plus d’activité professionnelle) se rendent présentes pour les petits déjeuners et servent également de chauffeurs pour véhiculer les accueillis au Centre d’accueil de jour de Laval. Le frère hôtelier ayant moins le temps de l’écoute gratuite, le Père Abbé insiste : « L’important c’est le temps du dialogue pris avec ces personnes ».

 Changer de regard

« Je suis surpris de la diversité des personnes qui ont répondu. Le mélange social et culturel avec le maillage des compétences est très intéressant », déclare Jacky Herrault, diacre, aumônier de la délégation de la Mayenne du Secours Catholique et coordinateur de l’équipe. La chance veut que s’impliquent dans l’équipe des travailleurs sociaux en retraite, un ancien directeur de foyer ou encore un cadre de Pôle Emploi. Même s’il reste clair que les bénévoles sont là « pour donner un coup de main et passer le relais à ceux dont c’est le métier».

La solidarité peut s’avérer contagieuse : après que l’équipe ait organisé une réunion publique pour témoigner de ce qu’elle vivait, un maire est allé jusqu’à proposer une soirée-débat sur des parcours de migrants et un autre a mis à disposition une maison à destination d’une famille pendant la période hivernale. « Nos élus, explique Jacky Herrault, sont plutôt attentifs mais on voudrait qu’au moins une municipalité ouvre un lieu d’accueil d’urgence, les paroisses pouvant aider dans l’accompagnement des personnes en terme de bénévolat ».

L’aumônier du Secours catholique se réjouit du changement de regard sur les « voyageurs », les migrants et la pauvreté en général, certains habitants allant jusqu’à commenter à propos d’un jeune routard : « ça pourrait être mon gamin ! ». Sans compter les petits gestes d’entraide nés de cette initiative. C’est ainsi qu’une association de théâtre a consacré une partie de la recette des représentations au projet et qu’un couple de Tunisiens a remis l’argent de l’aumône de son Ramadan, par l’intermédiaire d’une commerçante. « Quelques hébergements s’avèrent un peu difficiles mais on vit, témoigne Jacky Herrault, de belles choses qui nourrissent mon ministère de diacre. Pour moi le plus beau consiste dans les liens tissés avec la communauté des frères de l’abbaye ».

Le Père Abbé lui aussi se réjouit de cette « belle collaboration du privé et du religieux ». Lui qui fut missionnaire au Mali et a vu le gouvernement reprendre les forages que les Pères Blancs avaient entrepris pour trouver de l’eau, sait qu’en permanence l’Église doit suivre les appels de la Providence avant que d’autres prennent le relais. « Je suis admiratif, ajoute-t-il, devant ces bénévoles qui donnent de leur temps, sont plein de patience envers les personnes qu’ils accueillent et manifestent ainsi leur charisme qui est d’aimer ».

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    Diaconia est une démarche sur trois ans lancée le 10 janvier 2011 par plus de 100 mouvements et services d’Eglise et beaucoup de congrégation religieuses, et communautés nouvelles. Coordonnée par le Conseil épiscopal pour la Solidarité, elle a donné lieu à un rassemblement national les 9,10 et 11 mai 2013 à Lourdes.

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