Le don d’organes : une forme éloquente de fraternité

Appel de la commission sociale de l’Épiscopat français, janvier 1996.

Les greffes de tissus et d’organes permettent désormais de sauvegarder la vie ou d’améliorer considérablement l’existence de nombreux malades. Mais ne peuvent être greffés que les tissus et les organes prélevés sur les personnes décédés (dans certains cas sur des personnes vivantes). Ces prélèvement sont aujourd’hui trop peu nombreux. Bien des malades attendent très longtemps la greffe dont ils ont besoin. Du fait de cette attente, leur état peut s’aggraver au point de conduite à la mort, une mort qui aurait parfois pu être évitée.

L’Église catholique comprend qu’on puisse hésiter à consentir à des prélèvements après la mort sur son propre corps, et plus encore sur celui d’un proche parent. Mais elle voit dans le don de tissus ou d’organes, dans la mesure où il est décidé librement en esprit de solidarité avec ceux qui souffrent, une des formes les plus éloquentes de la fraternité humaine.

Les organes vitaux ne peuvent être prélevés que sur des personnes décédées en état de mort cérébrale, à la suite d’un grave accident de santé. Ce sont le plus souvent des personnes jeunes encore, qui pour la plupart n’ont pas pensé à l’éventualité d’un tel accident ni fait connaître leur acceptation ou leur refus de prélèvements. Les médecins s’adressent alors aux proches parents. Ceux-ci sont déjà très éprouvés par la brutalité de l’accident et par cette mort à laquelle ils n’ont pas eu le temps de se préparer. Grande est leur souffrance devant la perspective de prélèvements, d’autant plus que l’état de mort cérébrale laisse subsister des apparences de vie. Un tel désarroi, et peut être aussi une baisse de la confiance accordée au corps médical, conduisent aujourd’hui plus qu’un quart des familles à s’opposer à tout prélèvement.

Nous comprenons cette souffrance. Nous pensons aussi qu’elle pourrait être moindre si l’éventualité de prélèvements avait fait auparavant l’objet d’une réflexion personnelle et d’échanges en divers lieux, et d’abord au sein de la famille. Pèserait moins lourd sur les proches parents le sentiments de leur propre responsabilité à l’égard des prélèvements si le défunt avait fait connaître à l’avance sa volonté de faire son après sa mort de ses organes (ou de certains d’entre eux).

Nous vous invitons instamment à cette réflexion personnelle et à ces échanges en famille et à l’intérieur des communautés, paroissiales et autres. En lançant cet appel, nous ne cherchons pas à faire pression sur les consciences. Nous vous invitons surtout à prendre conscience que la mort peut frapper chacun d’entre nous et de nos proches de manière inopinée, bien avant une vieillesse avancée, et que si douloureuse qu’elle soit pour ceux qui nous aiment et que nous aimons, cette mort peut aussi devenir l’occasion d’un acte de solidarité de très grande valeur.

De tels échanges requièrent une information sur la réalité actuelle des prélèvements et des greffes. Elle peut être obtenue de différentes sources. Nous mettons à la disposition de chaque diocèse une note d’information portant sur les points que nous jugeons essentiels. Puisse-t-elle aider chacun à s’engager dans une démarche de vérité, faisant place à la perspective de sa propre mort et à la souffrance de ceux qui ne peuvent survivre que grâce à la solidarité témoignée par autrui.

Mgr Albert ROUET, président
Mgr Gérard DEFOIS
Mgr Louis DUFAUX
Mgr Bellino GHIRARD
Mgr André LACRAMPE
Mgr Jacques NOYER