Monteverdi, fondateur de la musique baroque

MonteverdiL’année 2017 est l’année du 450e anniversaire de la naissance de Claudio Monteverdi (1567-1643). Cet auteur majeur de la musique européenne a assuré la transition de la période Renaissance à la période Baroque. Il compose dans un contexte particulier dans lequel la musique s’éloigne de plusieurs siècles de polyphonie a cappella pour valoriser la voix soliste et les instruments, désormais omniprésents dans la musique sacrée.
Rappelons quelques éléments de sa biographie avant de commenter l’une de ses œuvres majeures : les Vêpres de la bienheureuse Vierge Marie.

Claudio Monteverdi est né à Crémone en 1567, dans une famille aisée. Très jeune, il suit une formation musicale à la cathédrale de la ville. Il se forme au chant choral et à la viole de gambe. À 15 ans, il compose et édite ses premières œuvres et publie son premier livre de madrigaux. Le madrigal est, au début du 17e siècle, le « grand genre » de la musique profane italienne. Dès sa jeunesse à Crémone, puis ensuite à Mantoue à la Cour de Gonzague, mais surtout à Venise, Monteverdi aura pour objectif de faire connaître ce nouveau style d’expression dramatique. On peut écouter avec intérêt les Septième et Huitième Livres de madrigaux de la période vénitienne avec le disque des Arts Florissants, Harmonia Mundi, sous la direction de Paul Agnew.

En 1590, il entre au service de la Sérénissime Cour de Gonzague. C’est là qu’il écrit, en 1607 Orphéo, un opéra donné dans les appartements princiers et qui va bouleverser l’art lyrique européen. Dans cet opéra, rigoureusement construit selon la structure dictée par Aristote dans sa Poétique, Monteverdi mêle la polyphonie ancienne et les techniques nouvelles de l’époque comme la monodie accompagnée (basse continue) ou encore les ritournelles instrumentales. C’est à Mantoue qu’il écrit aussi les Vêpres de la Vierge.

À partir de 1608, Monteverdi se plaint de la lourdeur d’une charge peu lucrative et souhaite quitter Mantoue pour aller à Rome. Il entreprend alors le voyage en 1610 en espérant rencontrer le pape Paul V, son dédicataire, pour lui offrir en main propre un exemplaire de son dernier recueil de musique religieuse. Il attend en réalité une introduction dans les milieux musicaux et artistiques très florissants de la Rome pontificale.

Le recueil reflète l’art immense du compositeur mais aussi les orientations esthétiques de la Contre-Réforme dont le pape Paul V fut un artisan convaincu. Il n’en demeure pas moins que ces vêpres, avec leur fanfare et leur rythme de danse ont dû sonner étrangement aux oreilles du pape Paul V et de son entourage.

En 1613, Monteverdi obtient le poste très prestigieux et bien rémunéré de maître de chapelle de la basilique Saint-Marc à Venise. Le déplacement de Mantoue à Venise correspond pour Monteverdi à un bouleversement artistique et stylistique radical. À Mantoue, il composait en fonction des commandes de la Cour de Gonzague. À Venise, ce qui compte avant tout, c’est de plaire à un public friand de nouveauté.

Monteverdi - la croixIl assumera la charge de maître de chapelle à Venise jusqu’à sa mort en 1643. Il se fait ordonner prêtre en 1630. Musicien de génie, Monteverdi était aussi un homme d’une foi profonde. Pour apprécier les Vêpres de la Sainte Vierge1, chef-d’œuvre d’une durée de presque deux heures, on peut commencer par le premier morceau, Dixit Dominum. Après le Deus in adjutorium et le somptueux Domine ad adjuvandum, Monteverdi a dû relever deux défis pour l’exécution du psaume 110. Le premier défi : parvenir à varier le traitement d’une mélodie de référence, d’une formule psalmodique, au point d’en faire le véritable principe générateur d’une puissante architecture musicale. Le second défi : concevoir pour l’ensemble du psaume une opposition des versets pairs et impairs. Les versets pairs relèvent de la psalmodie polyphonique sous forme de récitatif. Les versets impairs relèvent d’un style qui se caractérise par l’utilisation concertante et donc contrastée des voix et des instruments.Entre chaque verset, une ritournelle instrumentale dansante vient consolider l’architecture musicale. Monteverdi introduisait ainsi dans la musique liturgique des éléments qui jusque-là faisaient partie du répertoire profane et théâtral.

Autre pièce à ne pas manquer l’étonnante Sonata sopra Sancta Maria. Le chœur répète onze fois la même phrase sur des rythmes différents. Un orchestre se superpose en une éclatante et envoûtante ascension. Monteverdi était chrétien. L’article d’Emmanuel Bellanger Monteverdi : Musique de contemplation (revue Narthex. 31 juillet 2017) nous fait découvrir avec bonheur le Duo Séraphim des Vêpres de la Vierge : « Au centre des Vêpres de la Vierge qui furent écrites en 1610 nous est donné à entendre ce chant des séraphins évoqué par Isaïe. De longues et souples vocalises lancent le mot Sanctus à travers l’espace, les mots s’entrechoquent et rebondissent en de nouvelles envolées : le temps et l’espace ouvrent à un sentiment nouveau d’éternité. Puis la musique soudain se recueille, passant au registre de la théologie sur les mots : Pater, Verbum et Spiritus Sanctus, et hic tres unum suntle Père, le Verbe et l’Esprit-Saint et ces trois ne font qu’un. La musique qui emplissait tout l’espace se réduit à une seule note (en musique cela s’appelle un unisson) à peine audible : nous sommes au cœur du mystère divin. »

Au cours de cette année anniversaire, les manifestations musicales seront nombreuses et feront découvrir un Monteverdi qui s’inscrit dans ce grand mouvement qui s’appelle l’humanisme. Deux livres peuvent compléter nos connaissances sur ce musicien attachant :

– Philippe Beaussant, Claudio Monteverdi, Fayard – Les chemins de la musique, 2003
– Denis Morrier, Claudio Monteverdi, Bleu Nuit Éditeur, 2017

Hubert Herbreteau