Construire l’homme, proposer la Foi

20 années après le premier colloque de l’Action Catholique spécialisée : « Un parti pris d’Espérance », un nouveau colloque rassemblait 150 personnes jeunes et adultes… Les uns venaient avec une longue histoire, d’autres y entraient avec l’enthousiasme de la jeunesse….

Les mouvements d’Action Catholique ont-ils encore leur pertinence dans la Mission de l’Eglise qui est de servir le monde, de proposer la foi en Jésus, l’Emmanuel, Dieu-avec-nous?
Les témoignages et la réflexion menée n’ont pas cherché à éviter les questions et les interpellations. C’est d’ailleurs l’une des forces des Mouvements : depuis 50, 60, 80 ans, ils accueillent les défis qui sont posés par le public qu’ils essaient de rejoindre et par l’Eglise qui connaît elle aussi bien des mutations. Ensemble, ils cherchent à créer de nouvelles pratiques en fidélité aux intuitions de l’Action Catholique.

Le débat de ce colloque « Construire l’homme, proposer la foi…! » a pris appui sur trois points :
– la spiritualité de l’Action Catholique
– la place de l’Action dans les mouvements
– la construction de sujets croyants.
 

La spiritualité de l’Action Catholique.

Le témoignage de l’ACI insistait sur l’importance du récit de vie qui est au coeur de la Révision de vie : « Nous croyons fondamentalement que le vie que nous menons avec d’autres a du prix. La raconter, l’écouter, la confronter, la relire, c’est d’abord un chemin vers plus d’humanité. »… « Faire révision de vie, c’est accepter de prendre des chemins dont on ne sait pas où ils mènent… c’est chercher où Dieu travaille, découvrir l’Espérance même là où il y a souffrance, échec. Ainsi s’écrit la Bonne Nouvelle. »
Cette proposition reste toujours actuelle et riche pour les enfants, les jeunes, les adultes de notre temps.
Faire révision de vie permet de se poser, de s’arrêter… L’équipe offre un lieu de paroles, d’écoute fraternelle. N’est-ce pas indispensable quand la vie nous malmène, est touchée par des rythmes irréguliers?
Le temps de la rencontre est tout à fait pertinent pour permettre aux personnes de se retrouver, de découvrir les richesses qui les habitent, comprendre ce monde de plus en plus complexe. N’avons nous pas besoin d’espace pour aller au coeur de nous mêmes et vivre l’intériorité?
L’air que nous respirons nous fait parfois regretter le bon vieux temps et nous fait croire que le monde va très mal. Grâce au partage de vie, nous regardons le monde, ce monde que Dieu aime « non comme une terre perdue, mais comme un lieu où je découvre les traces de l’Esprit. »
Alors forts du partage vécu, de l’écoute des autres, de la découverte de la présence de l’Esprit qui touche et change les coeurs, nous sommes renvoyés vers nos frères « solidaires des combats du monde, de ses espoirs, de ses difficultés. » (Gaudium et Spes)
 

La place de l’action dans les mouvements.

Le MRJC a ouvert par un témoignage ce 2ème temps du colloque : »Nous ne pouvons pas rester indifférents aux injustices du monde… Nous ne pouvons pas nous contenter de dénoncer : il nous faut ‘annoncer’ et montrer que des changements sont possibles. »
Les actions menées se réalisent selon les âges et les situations sociales. « Nous souhaitons que nos actions ne soient pas hors sol ». Le MRJC croit que c’est par l’action que des jeunes trouvent leur place dans la société : « Vous êtes capables d’être acteurs de votre vie comme d’agir sur le monde autour de vous. »
Les mouvements d’enfants et de jeunes appréhendent de manière différente des adultes, la place de l’action car ils sont mouvement d’éducation. Les adultes ont leurs propres organisations, sont engagés dans la vie associative : c’est le lieu de leur action. Mais, depuis quelques années, des mouvements d’adultes prennent parfois position en tant que mouvement sur des questions de société : en effet, ils ont pris conscience qu’ils ont aussi, un rôle d’éducation vis à vis de leurs membres. Le CMR fait remarquer que la diversité des manières de voir de ses membres rend parfois difficile une prise de position publique. Ce colloque ne nous invite-t-il pas à avancer vers des prises de position communes, ce qui se fait déjà dans bien des diocèses?

Jean Huges Soret (philosophe et vicaire épiscopal) n’a pas craint d’interpeller le MRJC et les autres mouvements sur ce qui initie l’action, sur ce qu’elle produit, sur le sens de l’action… « Qu’est-ce qui déclenche l’action? L’injustice? L’injustice écrase plus qu’elle ne mobilise! La Foi? La foi est-ce bien certain qu’elle pousse à l’action? »
Autre question : « A quel référent, les mouvements d’A.C. ont-ils recours pour penser leur action? L’égale dignité de chacun? La question de la Justice qui invite à résister à tout ce qui destructure l’homme? Le dimension pascale qui nous permet de donner su sens?
Il y a 20 ans, disait encore J.H. Soret, le moteur de l’action était le sens de l’histoire… une histoire qui avait un passé, qui offrait des perspectives d’avenir : ainsi on choisissait des actions qui conduisaient à des changements qui amélioraient la vie. Aujourd’hui, qu’en est-il Quel est le moteur de l’action? Les mouvements politiques et sociaux qui portaient et alimentaient l’action collective sont plutôt en crise et remis en question.
Par leurs propositions, les mouvements permettent aux enfants, aux jeunes et aux adultes de se raconter leur vie, et donc de construire ensemble une histoire où par leur choix, ils vont donner un sens à leur existence et ouvrir un avenir.
L’intervenant interpellait les mouvements à partir du témoignage du MRJC qui disait : « Vous êtes capables d’être acteurs de votre vie comme d’agir dans le monde qui vous entoure… » : est-ce possible pour tous les jeunes? Quels jeunes rejoignez vous? Ceux qui sont en grande difficulté peuvent ils faire des projets?
Dans le débat, la JOC faisait remarquer que l’action est pour un jeune une manière de témoigner. N’est-ce pas vrai pour tout chrétien, car la foi n’est féconde que si elle s’incarne dans l’agir?
 

La construction de sujets croyants.

L’ACO ouvre cette 3ème partie en témoignant comment le mouvement construit des sujets croyants. Dans la vie d’équipe, le partage de vie, l’accueil de la parole de Dieu et les expressions de foi des uns et des autres construisent des hommes et des femmes qui s’ouvrent à la foi au Christ et en rendent compte.
« C’est grâce à l’ACE, à l’ACO que j’ai redécouvert la foi. Cela m’a paru plus concret. Aux réunions, on prend du temps pour analyser les petits signes quotidiens par lesquels Dieu me parle. Ces petits signes que trop souvent nous ignorons, pris dans une vie de dingue ».
Béatrice BLAZY, du service de la catéchèse et du catéchuménat a noté que la maturité de la foi n’est pas liée à l’âge. La foi se vit tout au long de l’existence et chacun au fil des événements, des passages à faire, est questionné, remise en cause, confronté à ce qu’il croit.
Elle rappelait aussi l’importance de l’accueil de la Parole de Dieu : cet accueil est incontournable dans la construction du sujet croyant. Il s’agit de laisser parler le texte pour que cette parole devienne vivante.
Depuis des années, les mouvements ont pris en compte la Parole de Dieu. Mais certains reconnaissaient qu’une formation serait nécessaire pour mieux accueillir ces textes. « Nous ne sommes pas pétris des récits bibliques alors que cette histoire est la nôtre. » B. Blazy.

L’échange a révélé aussi qu’aujourd’hui les enfants, les jeunes, les adules n’ont pas tous la même histoire croyante. La JOC parle de « mixité culturelle ». Alors comment les mouvements vont-ils permettre à ces personnes de faire la rencontre avec le Christ, de le nommer. Ne peut-on pas dire qu’ils ont auprès de leurs membres à vivre une démarche catéchuménale ?
Vivre… croire… mais aussi célébrer. « Des célébrations eucharistiques sont également proposées, de façon diverses selon les régions, lors des temps forts. Ces temps nourrissent la foi des membres et la foi vécue en communauté. » (ACO)
Comment accueillir la demande sacramentelle quand des enfants, des jeunes ou des adultes font la découverte du Christ? (baptême, confirmation….)? Sans doute faut-il créer des liens avec d’autres partenaires d’Eglise?
Les mouvements ont vraiment leur raison d’être pour ces personnes en recherche car ils leur permettent d’inscrire leur vie dans une histoire où Dieu vient à leur rencontre, où ils sont invités à l’aimer, à le célébrer. Ils construisent ainsi des sujets croyants capables de rendre compte de leur foi, de leur espérance dans un monde où le doute, le manque de confiance, la peur de l’avenir touchent bien de nos contemporains.

Conclusion :

Ces notes sont celles d’un participant. Il est aumônier CMR. Il est reparti chez lui enrichi de cet échange entre des personnes situées différemment dans le monde et dans l’Eglise. Ce qu’il a entendu et reçu, est sans doute marqué par ce qu’il vit et a vécu depuis près de 40 ans!… Alors, il sera bon de lire l’article qui paraîtra dans le prochain numéro des Cahiers de l’Atelier, et dans un numéro qui comportera toutes les interventions, et tous les débats.