Discours de clôture de l’Assemblée plénière de novembre 2012

Président de la Conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, a prononcé ce discours à la clôture de l’Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes, jeudi 8 novembre 2012.

Chers amis,

Nous voici au terme de cette assemblée qui a été très chargée en chantiers, tous intéressants. Avant de la conclure, je tiens à exprimer notre gratitude à toutes celles et à tous ceux qui ont contribué à son bon déroulement : Mgr Nicolas Brouwet et tous les personnels des sanctuaires, le secrétariat général et ses collaboratrices et collaborateurs habituels ou occasionnels. Je remercie de leur présence attentive et active nos frères et sœur anglican, orthodoxe et protestants et les évêques des conférences épiscopales étrangères.

La position très ferme que nous avons prise au sujet de la transformation légale du mariage a suscité bien des remous. Les réactions, plus diversifiées qu’on ne l’imaginait, ont montré un trouble réel de nos concitoyens qui expriment de véritables interrogations sur la pertinence et l’urgence du projet. Les injures publiques et les arguments ad hominem laissent paraître chez certains la difficulté à accepter un véritable débat. Bien sûr, l’accusation d’homophobie est la plus habituelle. Mais dénoncer la supercherie que serait un mariage entre personnes du même sexe n’empêche pas, au contraire, de comprendre le besoin de reconnaissance de personnes homosexuelles, besoin que ce supposé mariage ne satisferait d’ailleurs pas. Nous sommes convaincus que les personnes homosexuelles, comme tout un chacun, sont appelées à rencontrer et suivre le Christ. Il y a pour elles aussi un chemin vers la sainteté, à parcourir pas à pas, et l’Église est toujours disposée à les accompagner sur ce chemin. Une fois encore, nous voulons rappeler les grands absents de cette discussion : les enfants.

Nous nous réjouissons que, dans le cadre de la légalité et dans le respect des personnes, de nombreuses initiatives soient prises par nos concitoyens, croyants ou non, pour s’opposer au projet du gouvernement dans son état actuel. Beaucoup de catholiques s’engagent dans ce sens avec des personnes d’autres courants de pensée ou d’autres religions. Par-delà les clivages politiques, légitimes dans une démocratie, il s’agit bien d’un engagement pour la promotion d’un bien commun pour notre société.

Que les catholiques de notre pays sachent que leurs évêques les encouragent à parler, à écrire, à agir, à se manifester… Ils ont le droit de témoigner de ce qui, dans la lumière de notre foi et selon la logique de la raison et du bon sens, leur semble essentiel pour le présent et pour l’avenir.

Nous regrettons que le choix du gouvernement polarise tellement les attentions sur un sujet qui finalement reste second, si l’on tient compte des préoccupations prioritaires qui assaillent beaucoup de nos concitoyens en raison des conséquences de la crise économique et financière : fermeture d’entreprises, hausse du chômage, précarité croissante des familles les plus fragiles, etc. Nos associations, engagées dans la solidarité sociale, relèvent toutes l’aggravation de la situation, notamment des plus jeunes. Le récent rapport du Secours Catholique en est un témoignage supplémentaire. Dans cette période difficile, le soutien de la cohésion familiale est plus que jamais nécessaire. Nous encourageons tous les catholiques à maintenir leur mobilisation dans la lutte contre la misère économique et sociale et à poursuivre leurs magnifiques efforts de solidarité.

Comme il est normal, notre attention a porté sur bien des sujets qui concernent la vie de notre Église et son implication dans la vie de la société. Notre travail sur le diaconat permanent a été une première étape de partage des expériences de nos différents diocèses. Ce premier temps a fait ressortir un certain nombre de questions auxquelles nous sommes confrontés et que nous souhaitons approfondir et éclairer. Ces questions ne doivent pas occulter le trait dominant de notre pratique du diaconat : globalement, les décennies écoulées ont permis à ce ministère ordonné de trouver une figure concrète et nous devons nous réjouir des fruits de cette lente mise en œuvre. La décision du Concile a vraiment été une grâce pour notre Église, notamment à travers le signe d’un ministère ordonné qui se déploie dans les conditions de vie communes à nos contemporains. Nous voulons exprimer notre reconnaissance aux diacres de nos diocèses et à leur famille pour la part importante qu’ils prennent à la mission de l’Église. Nous poursuivrons ce travail sous la conduite de la commission des ministères ordonnés au cours des prochaines assemblées.

La conclusion du groupe de travail sur Internet a complété les étapes précédentes. Nous avons mesuré quel écart il peut y avoir entre notre cadre de référence habituel et la nouvelle culture qui se développe, en particulier à partir des réseaux sociaux. Mais nous avons aussi entrevu que nous ne sommes pas totalement démunis devant ce nouveau mode de communication et que nous avons sans doute une mission à remplir dans la proposition des éléments de discernement et dans l’invention des moyens de porter témoignage à l’Evangile « sur la toile ». D’ailleurs, comme il a été remarqué, nous ne sommes pas absents de ces réseaux, mais sans doute devons-nous mieux comprendre et articuler le registre de l’individualité qui en est la règle et celui de l’appartenance à un corps qui est constitutif de l’Église. Nous devons aussi être plus attentifs à la mutualisation de nos moyens dans une période où les ressources sont rares pour qui ne se vend pas à la publicité commerciale.

La première étape du travail sur la « Présence des catholiques dans la société » a été un moment très prometteur pour la suite. Les auditions auxquelles le groupe a procédé et dont il nous a partagé les résultats nous ont opportunément rappelé que dans leurs relations sociales, en milieu professionnel, familial ou associatif, les catholiques sous-estiment trop souvent la capacité de leur entourage à accueillir, et parfois à attendre leur témoignage. Il se peut aussi que nous-mêmes soyons trop timorés dans l’évaluation du patrimoine dont nous disposons par notre appartenance ecclésiale et notre foi au Christ ressuscité.

La problématique de la Nouvelle Évangélisation, récemment travaillée et diffusée à l’occasion de la session du synode des évêques, nous a paru éclairer particulièrement l’épreuve à laquelle sont appelés les catholiques : épreuve de la confrontation, épreuve du dialogue, épreuve de la spécificité de l’annonce de Jésus-Christ ressuscité, finalement, épreuve qui nous incite à la conversion spirituelle, et d’abord nous évêques. Nous avons retrouvé dans cette approche un prolongement du travail des années 94-96 qui avait abouti à la Lettre aux catholiques de France : Proposer la foi dans la société actuelle. C’est donc dans la suite de ce long investissement de notre conférence que le groupe de travail nous invite à poursuivre notre réflexion sur notre manière d’être présents au monde de ce temps et à y témoigner de l’espérance chrétienne. Nous encourageons tout le monde à lire et à méditer le message du récent synode qui apportera un éclairage décisif à cette recherche.

Le long travail entrepris pour la nouvelle écriture du statut de l’Enseignement Catholique demande encore des mises au point que nous allons faire dans les mois qui viennent. D’ores et déjà, pour mieux assurer la présence et la responsabilité de la Conférence épiscopale, nous avons décidé de créer un Conseil épiscopal de l’enseignement catholique qui va progressivement se mettre en place.

L’Année de la Foi est un don et une chance. La foi est une lumière qui éclaire nos vies et qui nous pousse au témoignage joyeux, serein et convaincu. La foi est une amitié avec le Christ, le Fils de Dieu et unique sauveur du monde. Elle nous conduit à regarder avec toujours plus de profondeur la passion et la mort sur la croix du Seigneur de la Vie, afin d’annoncer aux hommes la formidable espérance, à savoir : à l’homme, à tout homme, est proposé le salut. La foi nous donne la certitude de la présence du Christ au milieu de nous : il est ressuscité d’entre les morts !

Dans chacun de nos diocèses, l’Année de la Foi suscite des initiatives pour fortifier notre acte de foi et en approfondir le contenu. En 1992, l’Eglise nous a donné le Catéchisme de l’Eglise catholique, à la rédaction duquel ont participé les évêques du monde entier. Il est le fruit exceptionnel de cette collaboration, c’est pourquoi il est d’une richesse particulière. Il est en même temps un des fruits les plus importants du concile Vatican II. En 2006, nous, évêques de France, l’avons donné comme texte de référence pour toute l’œuvre catéchétique en France. A l’occasion de son vingtième anniversaire, nous le proposons à nouveau à tous les catholiques comme un instrument sûr pour approfondir leur foi et pour entrer dans la joie de la foi. Ce Catéchisme de l’Eglise catholique est nourri de l’Ecriture Sainte et nous renvoie à la méditation de la Bible. Il porte le témoignage des saints et des saintes. En le lisant, on perçoit le beau visage du Christ qu’il dessine, on comprend mieux le discernement de l’Eglise sur les enjeux les plus essentiels de la vie en société, on apprend quelle espérance habite les disciples de Jésus. Nous souhaitons à tous les fidèles de nos diocèses une belle et joyeuse Année de la Foi. Qu’elle soit un temps de renouveau de l’attachement de chacun et de chacune à la personne de Jésus, un renouveau aussi de notre ouverture à l’Esprit du Christ qui fait de nous ses témoins dans le monde de ce temps.

La rencontre d’autres cultures et d’autres religions caractérise le défi auquel est confrontée chez nous la Nouvelle Évangélisation. Les échos du synode qui nous ont été transmis nous ont aidés à situer cet objectif missionnaire de notre Église dans toute sa dimension d’un renouvellement de notre communion avec le Christ et de la conversion qu’il opère dans la vie de tous les chrétiens et de l’Église. C’est à une conversion personnelle et pastorale que nous sommes appelés pour assumer notre responsabilité de disciples de Jésus. C’est dans cet esprit que nous avons repris notre réflexion sur la rencontre des chrétiens avec les musulmans en nous gardant des amalgames simplistes et en mesurant mieux comment notre approche des musulmans se distingue du choc des civilisations. Reprenant les orientations de Jean-Paul II et de Benoît XVI, notamment lors de son récent voyage apostolique à Beyrouth, nous voulons être des interlocuteurs respectueux, aussi bien dans les contacts quotidiens que dans les relations avec les responsables musulmans. Cette orientation vers le dialogue constitue pour les chrétiens un appel à développer leur capacité à être témoins de la foi au Christ ressuscité. Ce n’est que dans l’authenticité de l’identité de chacun que peut véritablement se développer le dialogue.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces quelques jours de travail. Pour l’instant, nous allons rejoindre nos diocèses et poursuivre notre mission avec confiance, nous appuyant sur la Parole du Seigneur : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. »

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