Unité des chrétiens, quel enjeu?

Eclairage du père Michel Mallèvre, ancien directeur du service national pour l’unité des chrétiens de la Conférence des évêques de France

Depuis les premiers siècles de son histoire, le christianisme a connu des divisions qui sont autant la conséquence de rivalités politiques et culturelles des milieux dans lesquels il était implanté que de débats doctrinaux. Ces divisions ont entraîné des violences en contradiction avec la vie et l’enseignement de Jésus de Nazareth. La France, par exemple, a gardé le souvenir douloureux des « guerres de religion » entre catholiques et protestants au XVI° siècle puis à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, une loi qui accordait un statut à ces derniers, par le roi Louis XIV en 1685. A un premier niveau, l’enjeu de l’œcuménisme est donc de mettre fin à ces violences potentielles et de guérir la mémoire des groupes et des familles qui en restent blessés.

Manifester la bonté du message évangélique

Mais ces divisions peuvent simplement donner le sentiment que l’enseignement de Jésus ne sont pas si clairs ou efficaces dans un monde en quête de paix et d’harmonie. Il y a donc un autre enjeu de l’oecuménisme que l’on pourrait appeler « apologétique » : manifester aux yeux des non-croyants la bonté du message évangélique.

Dans un monde traversé par de nombreuses fractures (entre le Nord et le sud, les riches et les pauvres etc.), la capacité des chrétiens d’origine et de cultures différentes apparaîtrait comme une Bonne Nouvelle : la manifestation qu’ils est possible pour des hommes et des femmes différents de s’entendre, et donc finalement que le Dieu des chrétiens nous a appelés à une vie qui peut être heureuse ! C’est souvent ainsi que l’on comprend les paroles de Jésus dans sa prière à Dieu son Père, la veille de sa mort : « Qu’ils soient un comme nous sommes Un afin que le monde croie que Tu m’as envoyé ! » A ce second niveau, il s’agit de mettre fin au contre-témoignage de la division des chrétiens et d’unir les forces des chrétiens dans un monde où la foi ne va plus de soi. 

Unir les forces des chrétiens

Cette compréhension de la prière de Jésus ne réduit-elle pas la recherche de l’unité des chrétiens à une stratégie missionnaire ? Il n’est pas sûr qu’elle soit efficace : des études montrent que les groupes qui progressent le plus sont les moins « œcuméniques ». D’autre part, dans un monde où « la différence fait chic » (selon le sociologue J-P Willaime), il n’est pas certain que les divisions des chrétiens soient toujours perçues comme un contre-témoignage, pour autant qu’elles ne donnent pas lieu à des violences ! Nous voyons d’ailleurs que les appartenances confessionnelles contribuent à l’identité personnelle ou communautaire. En fait la recherche de l’unité nous conduit à aller au cœur de la foi chrétienne.

 

Aller au cour de la foi pour rechercher l’unité

En commentant la prière de Jésus pour l’Unité de ses disciples dans sa lettre sur l’œcuménisme (encyclique Ut unum sint n° 98, en 1995), le pape Jean-Paul II nous a rappelé que cette prière est entièrement tournée vers la manifestation de la « Gloire » du Père. Dans le langage biblique, cette Gloire n’est autre que son mystère qui est une communion d’Amour (1 Jn 1,8 s.). Ainsi Jésus prie pour que soit manifesté par l’unité des chrétiens l’amour mutuel des trois Personnes divines. Pour le dire autrement : la prière de Jésus veut surtout demander que les chrétiens, dans leur diversité, soient « un » comme Dieu, qui est communion du Père, du Fils et de l’Esprit-saint, est Un. Dans cette perspective, autrement plus profonde, l’œcuménisme cherche une unité de chrétiens de traditions différentes qui soit en quelque sorte une image de l’unité même de Dieu Trinité. Comme le dit le Concile Vatican II : du mystère de l’Eglise « le modèle suprême et le principe sont l’unité, dans la Trinité des personnes, d’un seul Dieu Père, Fils en l’Esprit-Saint. » (décret sur l’œcuménisme n° 2, à la fin)
Certes par la foi au Christ et le baptême ils sont unis spirituellement à Lui, et donc déjà entre eux. Mais cette communion spirituelle n’apparaît pas visiblement alors que Jésus a fondé une Eglise bien visible, et l’on ne peut se satisfaire de cette dissociation entre l’Eglise comme réalité spirituelle et l’ensemble des chrétiens qui sont dans le monde (cf Constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen gentium n° 8). Il s’agit donc finalement de manifester visiblement la communion réelle, bien qu’encore imparfaite, de tous les baptisés pour que l’Eglise apparaisse vraiment ce qu’elle est l’icône de Dieu Trinité.

 

Ce que dit le Concile Vatican II
« Dans cette seule et unique Église de Dieu apparurent dès l’origine (Cf. I Cor. 11.18-19; Gal. 1.6-9: I Jn 2, 18-19.), certaines scissions, que l’Apôtre réprouve avec vigueur comme condamnables (Cf. I Cor. I. 11 sqq. 11.22. ); au cours des siècles suivants naquirent des dissensions plus graves, et des communautés considérables furent séparées de la pleine communion de l’Église catholique, parfois par la faute des personnes de l’une et de l’autre parties. Ceux qui naissent aujourd’hui dans de telles Communautés, et qui vivent de la foi au Christ, ne peuvent être accusés de péché de division et l’Église catholique les entoure de respect fraternel et de charité. En effet, ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec l’Église catholique. Assurément, des divergences variées entre eux et l’Église catholique sur des questions doctrinales, parfois disciplinaires, ou sur la structure de l’Église, constituent nombre d’obstacles, parfois fort graves, à la pleine communion ecclésiale. Le Mouvement œcuménique tend à les surmonter. Néanmoins, justifiés par la foi reçue au baptême, incorporés au Christ, ils portent à juste titre le nom de Chrétiens et les fils de l’Église catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur. » (décret sur l’œcuménisme n° 3)

Prière pour l’unité

 Seigneur Jésus, à la veille de mourir pour nous,
Tu as prié pour que tous tes disciples soient parfaitement un,
Comme toi en ton Père et ton Père en toi.
Fais-nous donc ressentir jusqu’à la douleur
L’infidélité de notre désunion.
Donne-nous la loyauté de reconnaître
Et le courage de rejeter
Ce qui se cache en nous d’indifférence, de méfiance,
Et même d’hostilités mutuelles.
Accorde-nous de nous rencontrer en toi,
Afin que monte incessamment de nos âmes et de nos lèvres,
La prière pour l’unité des chrétiens,
Telle que tu la veux, par les moyens que tu veux.
En toi, qui es la Charité parfaite,
Fais-nous trouver la voie qui conduit à l’unité
Dans l’obéissance à ton amour et à ta vérité.

Père Paul Couturier
Apôtre de l’unité, décédé le 24 mars 1953

 

 

 

Documentation œcuménique

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