Homélie pour le dimanche 3 août

Références bibliques :

Livre du prophète Isaïe: 55. 1 à 3 : »Pourquoi vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? »
Psaume 144 : « Tu ouvres ta main. Tu rassasies avec bonté tout ce qui vit. »
Lettre de saint Paul aux Romains : 8. 35 à 39 : » Rien ne pourra nous séparer del’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ, notre Seigneur. »
Evangile selon saint Matthieu : 14. 13 à 21 : » Tous mangèrent à leur faim. »

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La multiplication des pains se trouve racontée dans les quatre évangiles car elle est l’un des événements-clés les plus importants et des plus significatifs de la vie du Christ.

L’HOMME NE VIT PAS SEULEMENT DE PAIN

Il marque en effet une rupture entre le Christ et la foule, le Christ qui donne un signe afin d’entraîner ces hommes dans la découverte du Royaume et la foule qui en reste à la compréhension matérielle du miracle. Jésus s’en plaint d’ailleurs dans le « discours sur le pain de vie. »

Il compare ce moment vécu en Galilée, sur les bords du lac, à celui vécu dans le désert par le peuple hébreu. Celui-ci voulait revenir en Egypte autour des marmites abondantes et Dieu lui donne au jour le jour la manne du matin : »Le pain quotidien ».

Jésus leur donne aujourd’hui une autre nourriture dans cet endroit désert où il se trouve avec eux. « Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez bien mangé. Travaillez donc non seulement pour une nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en Vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’Homme. » (Jean 6. 26 et 27).

Jésus ne refuse pas de se préoccuper de la nourriture terrestre qui se perd, mais, dans le même temps, il leur dévoile ce qui compte le plus pour lui : « Le pain descendu du ciel. » Aujourd’hui encore le Christ nous invite à vivre les deux significations de son geste : vivre pour la nourriture qui se perd, et dépasser ce moment pour vivre de la nourriture éternelle. Partager avec ceux qui ont faim, comme il l’a fait lui-même pour cette foule dont il a eu pitié. Participer au repas eucharistique sur lequel il insiste dans la synagogue de Capharnaüm

DONNEZ-LEUR A MANGER

Cet ordre de Jésus nous concerne aujourd’hui et nous n’avons pas à le suivre seulement dans le registre spirituel. Cet ordre est tout un programme contre la faim matérielle des hommes. Le fait miraculeux, extraordinaire qu’il a accompli se situe bien à ces deux niveaux.

Nous sommes invités au partage dans un monde où tant d’hommes vivent au seuil de la pauvreté et de la faim. Saint Augustin a écrit que n’importe quel champ de blé doit nous apparaître comme une oeuvre divine : « Le Christ a fait ce que Dieu fait chaque jour, usant de son pouvoir de créateur pour multiplier les moissons. »

« Le Seigneur est bonté en toutes ses oeuvres », chante le psaume de ce dimanche. « Tous espèrent et tu leur donnes la nourriture en son temps. » Si habituels soient les phénomène de la nature, ils n’en sont pas pour le moins merveilleux. Ils n’en sont pas pour le moins exigeants. Quand nous avons en nos mains des corbeilles pleines du pain de la terre, nous nous devons d’aller les porter à ceux qui ont faim, afin que tous « mangent à leur faim ».

Il est aussi, à leur égard, une autre exigence. On peut être gavé de biens matériels et manquer de ces biens plus essentiels que sont ceux du coeur et de l’esprit, de l’amour et des raisons de vivre. Nous avons à les partager à tous les niveaux de notre existence au milieu et avec nos frères. A nous de leur donner de pain de l’amour.

Et ce pain-là, sur tous les continents, les hommes l’attendent.

IL PRIT LES PAINS ET RENDIT GRACES

Dans le même temps, il est clair que Jésus n’en reste pas là. Les paroles qu’il prononce, les gestes qu’il accomplit, repris dans les quatre évangiles, sont ceux-là même de la dernière Cène et de l’Eucharistie. Dès la fin de ses quarante jours au désert, alors que Satan cherchait à l’enfermer dans sa faim corporelle en fabriquant miraculeusement du pain, Jésus lui répliqua : »L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4. 4).

Le Christ en donne un long commentaire lorsque la foule est venu le chercher. L’homme doit se nourrir de cette Parole de Dieu qui est Jésus de Nazareth, le Pain de vie, « Je suis la Vérité et la Vie ». Cette nourriture que résume la messe, l’action de grâces par excellence, c’est l’Eucharistie, Parole et Pain de Dieu. Nous ne pouvons pas lire les récits de la multiplication des pains, sans reprendre le texte de saint Jean qui, à la suite des années vécues au sein de la communauté chrétienne dispersée dans le monde, rappelle la signification essentielle de ce repas de jadis dans ce lieu désert de Palestine, toujours d’actualité en chaque journée, comme le fut la manne quotidienne du désert pour le peuple libéré de l’esclavage de l’Egypte.

L’Eucharistie, célébrée en la Divine Liturgie, quel que soit le nom que nous lui donnons pour exprime, signifie et réalise ce que le Christ nous a demandé de faire « en mémoire ». C’est le don de Dieu qui nous témoigne de « son inépuisable bonté » (prière d’ouverture de la messe d’aujourd’hui), qui restaure pour nous la création et la renouvelle.

ON REMPLIT DOUZE CORBEILLES

« Inépuisable bonté »… La surabondance conclut la multiplication des pains. Elle rappelle le premier miracle de Jésus à Cana quand le vin manqua durant la noce. Jésus en refit 600 litres, 750 bouteilles pour parler selon les mesures des « bons vins » de notre époque.

C’est la puissance infinie de Dieu qui comble nos désirs au-delà de tout ce que nous pourrions espérer de lui. Nous ne pensons pas assez à ce que réalise cette communion possible au Corps et au Sang du Christ qui nous est proposée quotidiennement, presque « trop facilement » au point parfois, de nous paraître « habituelle » et même « routinière », alors qu’elle est étonnante, inépuisable.

Nous estimons trop souvent que Dieu ne nous donne pas assez. Nous attendons toujours plus de lui. Face à l’insatiable désir qui est le nôtre, Dieu répond par cette surabondance que nous devons remarquer. « Le Seigneur nous a aimés comme on a jamais aimé. C’est mon Corps, prenez et mangez ! C’est mon sang, prenez et buvez ! Car je suis la Vie et je suis l’Amour. Oh, Seigneur ! emporte-nous dans ton amour ! »

Saint Paul, à sa manière, nous le redit aussi : »… grâce à celui qui nous a aimés. » La persécution, le dénuement, le danger, l’angoisse, la détresse peuvent nous éloigner. Mais lui, le Seigneur, n’éloignera jamais sa présence et son amour. Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui nous est porté par le Christ.

« Il a fait une alliance éternelle » (Isaïe 1. 3) en chaque Eucharistie, renouvelant pour nous l’offrande à son Père « pour la gloire et le salut du monde ».

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Nous devons donc vivre à ces deux niveaux auquel le Christ s’est situé : combler les affamés de biens matériels, les combler aussi et surtout de sa Parole qui est lui-même, Parole de Dieu venue en ce monde. « Seigneur, entoure d’une constante protection ceux que tu as renouvelés par le pain du ciel. Puisque tu ne cesses de les réconforter, rends-les dignes de l’éternel salut. » (Prière après la communion)

année liturgique B