« Haïti : Et Dieu dans tout ça ? » réflexion de Mgr Housset

Réflexion de Mgr Bernard Housset, Evêque de La Rochelle et Saintes sur le séisme de Janvier 2010 en Haïti et la question du Mal : « Haïti et Dieu dans tout ça » ?
 

Housset Bernard - La Rochelle Saintes

Le drame vécu par les Haïtiens retient toute notre attention, tellement sont catastrophiques les conséquences du tremblement de terre qui a ravagé ce pays. La forte solidarité nationale et internationale témoigne de la progression de la fraternité humaine. C’est un signe d’espérance.

Mais nous ne pouvons pas ne pas nous interroger avec ce journaliste français qui, écoutant les expressions de foi de certains habitants, posait la question : « Que vient faire Dieu là-dedans ? ». C’est l’éternelle question posée aux croyants. Elle se trouve déjà dans les psaumes : «Où est ton Dieu ?». Elle est répétée de génération en génération : « Si Dieu existait, de tels drames n’arriveraient pas ». Des artistes, autour d’Aznavour, ont même chanté sur les ondes « Dieu, qu’ont-ils fait de mal tes enfants, pour que tu les martyrises ? »

Ces questions peuvent-elles avoir des réponses ? Osons du moins quelques réflexions. Car Dieu est directement concerné et mis en cause. Il n’est jamais sain de se taire, même si nous, chrétiens, nous sommes sûrs et certains que Dieu ne punit pas et n’envoie pas les épreuves.
 

Dieu et le mal infligé par les hommes

On peut comprendre que Dieu n’intervienne pas dans le mal qui est commis par l’homme : soit le mal individuel dans le secret de la conscience ou dans les familles, soit les maux collectifs comme les injustices à plus ou moins grande échelle, les guerres, les régimes dictatoriaux et les abus qui en découlent, les tortures, le fait qu’un milliard d’êtres humains ne mangent pas à leur faim, etc.

C’est que le Dieu qui s’est révélé d’abord au peuple juif puis définitivement en Jésus-Christ fonde nos responsabilités humaines. Il désire que nous puissions, en usant librement de nos capacités, grandir en humanité et humaniser notre société. Dieu, puisqu’il nous crée responsables, joue le jeu de l’usage de nos responsabilités, même quand nous les exerçons pour le mal moral : violence, haine, mépris. Son silence apparent est la marque de son respect pour nous.

Telle est d’ailleurs l’attitude du Christ durant sa Passion. Pour accomplir la mission qui est la sienne, il ne fait pas appel à la puissance de son Père qui pourrait mettre à sa disposition plus de douze légions d’anges (cf. Mt 26,53), pour qu’il soit délivré de l’injustice dont il est victime. La mort du Fils de Dieu est en effet la plus grave des injustices commises par les hommes. Pourtant Dieu la respecte, puisqu’il désire une humanité responsable. Tout en étant capable de transformer le supplice de la Croix en source de fécondité de l’amour éternel. C’est le Christ crucifié qui nous montre à quel point nous sommes aimés.

Que Dieu soit capable, car il est un Père Tout Puissant, de transformer la mort en vie et de ressusciter son Fils le troisième jour, je le crois profondément. Mais je suis mal à l’aise avec la formule habituelle « Dieu permet un mal pour un bien supérieur. » Quel drôle de dieu, celui qui permettrait, par exemple au Rwanda, le massacre de plusieurs centaines de milliers de personnes pour aboutir à je ne sais quelles améliorations ?
 

Dieu et les malheurs de la nature

Mais la question rebondit pour toutes les catastrophes dont la nature est à l’origine des cataclysmes, tsunamis, tremblements de terre, épidémies, sécheresses désertifiantes, etc. Si Dieu était vraiment tout-puissant, ne pourrait-il pas empêcher de telles catastrophes ou, du moins, en atténuer les effets pour les humains ?

Peut-on leur donner un sens ? Non, puisqu’elles n’en ont pas. Ne recherchons pas non plus une explication magique, comme si certains peuples, plus que d’autres, seraient victimes de malédictions.

Ma réflexion s’oriente plutôt dans la direction suivante : le Dieu qui s’est révélé en Jésus-Christ est aussi celui qui, par le même amour, crée l’univers « visible et invisible ». Il n’a pas fabriqué un monde tout fait, figé, fixiste. Il crée un univers immense et complexe, en évolution sur des milliards d’années, pour le confier à l’humanité en temps voulu. Celle-ci en effet reçoit la responsabilité d’aménager, d’humaniser la nature et la rendre vivable, durable.

Dieu, en quelque sorte, nous associe à sa capacité créative en nous chargeant de conduire, avec Lui, un univers inachevé et imparfait vers son achèvement et sa plénitude.

Déjà notre raison commence de comprendre certains mécanismes des tremblements de terre. Nous avons fait quelques progrès depuis celui de Lisbonne en 1755. Nous savons désormais que, sur des fractures de l’écorce terrestre, des plaques tectoniques, en mouvement instable, se heurtent entre elles. Des spécialistes sont désormais capables de prévoir certaines secousses.

Notre intelligence nous permet aussi de construire des bâtiments capables de résister à de telles secousses. Le Japon est sans doute le pays où l’on a le mieux développé ces techniques de constructions anti-sismiques. La raison humaine met au point des procédés qui, peu à peu, limiteront et atténueront les effets du mal physique induit par un univers en évolution. C’est encore peu de chose, mais c’est déjà mieux que rien. C’est agir sans résignation ni fatalisme.

Dieu court le risque de créer un tel univers. Et pour montrer aux humains qu’Il ne reste pas étranger à leurs souffrances, Il vient partager intégralement leurs conditions de vie, sauf leurs péchés. Car son désir depuis toujours est de nous faire bénéficier de sa vie et de son amour « dans les cieux nouveaux et la terre nouvelle ».

Ce que nous croyons depuis la venue du Christ, c’est qu’Il n’explique pas le Mal, mais Il nous en délivre, en nous associant à son combat.

Père, délivre-nous du Mal.

+ Bernard Housset
Evêque de La Rochelle et Saintes