Éclairage sur la conversion de Saint Paul

D’après le récit des Actes des Apôtres (Ac 9), c’est alors qu’il se rendait de Jérusalem à Damas pour sévir contre les disciples de Jésus dans les synagogues de cette ville, que Saul, le persécuteur, a été subitement terrassé par une apparition du Christ, qui lui dit : « Je suis Jésus que tu persécutes ».
Aveuglé par cette lumière céleste, il est alors conduit chez un disciple de Damas, Ananie, qui, malgré ses craintes, l’accueille et le baptise.
Ce récit doit émaner de la communauté de Damas : elle cherchait à dire comment elle l’avait échappé belle grâce à l’intervention de dernière minute de son Seigneur, qui avait retourné le persécuteur en apôtre.
Saint Paul, Vitraux de Chartres

Quand c’est Paul qui parle de Paul …

Ce récit n’est pas sans intérêt ni vérité. Mais les quelques 1 allusions que Paul a faites lui-même à l’événement qui a bouleversé sa vie nous sont encore beaucoup plus précieuses.
Il en parle très sobrement. Il met surtout en valeur ce qui l’a précédé et ce qui l’a suivi.
Il ne dit pratiquement rien du processus lui-même. C’est tout juste s’il nous apprend indirectement que cela s’est passé à Damas (Ga 1, 17). Mais il met en lumière ce que cette rencontre du Christ a changé dans sa vie. Il le voit encore plus nettement après des années de ministère apostolique.
Il y fait référence quand des contestations l’obligent à justifier sa qualité d’apôtre du Christ et sa manière de comprendre l’Evangile.
Il relit alors l’événement de sa vocation, à partir de ce qui s’est passé à ce moment-là, mais aussi à la lumière de l’histoire qu’elle a engendrée.

L’interroger à partir de ces quelques allusions, ce n’est pas pure curiosité historienne : « dis-nous, Paul, ce qui t’est arrivé ». C’est une manière d’entrer dans sa théologie à partir de ce qu’il a vécu lui-même, sur le moment et par la suite.

1 Ces allusions se trouvent en quatre passages des épîtres 1 Co 9,1-2 ; 15, 9-11 ; Ga 1, 11-24 ; Ph 3, 2-16

L’avorton devenu apôtre

En deux passages (1Co 9 et 1Co 15), Paul attribue sa qualification d’apôtre du Christ au fait que lui aussi, même lui, a bénéficié d’une apparition pascale : « Ne suis-je pas apôtre ? n’ai-je pas vu Jésus notre Seigneur ? » (1Co 9,1) ; « en tout dernier lieu il m’est apparu à moi aussi comme à l’avorton » (1Co 15,9).Dans le second il insiste sur la puissance de la grâce. Lui, le dernier de liste, l’indigne persécuteur, « l’avorton », non viable, mort-né, est devenu, par la grâce de Dieu, l’apôtre le plus efficace de tous.Paul parlera constamment de son ministère apostolique en termes de « grâce de Dieu » qui lui a été faite.
Cela s’enracine dans l’expérience fondatrice qui a été la sienne.
Celle-ci n’est sûrement pas étrangère à son insistance, plus tard, sur le fait que nous devenons justes aux yeux de Dieu sans l’avoir mérité, en vertu de sa seule grâce.

Un changement de regard

Nous allons maintenant nous arrêter aux deux autres passages où Paul relit l’événement de Damas : celui de l’épître aux Galates (1, 11-24) et celui de l’épître aux Philippiens (3, 2-16) qui méritent encore davantage de retenir notre attention.Ces deux textes s’expliquent par la controverse engagée avec ces judéo-chrétiens que nous appelons des « judaïsants » : des croyants de Jésus-Christ continuaient de donner une telle importance à la Loi juive comme institution de salut, qu’ils ne pensaient pas pouvoir dispenser les nouveaux croyants venus des nations de s’intégrer à la pratique du judaïsme.
Le Christ Jésus était encore pour eux au service de la Loi.
A leurs yeux il n’était pas encore devenu, à lui seul, le centre et le cœur de tout le dessein de salut de Dieu.Pour Paul au contraire, désormais tout nous est donné en la personne du Christ. C’est Lui, le don définitif de Dieu ; ouvrir tout son être au Christ par la foi est la seule manière pour tout homme de s’ajuster au dessein de Dieu.Dans l’épître aux Galates, Paul relit l’événement de Damas pour fonder sa manière d’annoncer l’Evangile parmi les Nations, c’est-à-dire sans inféodation à la Loi, au Judaïsme.Dans l’épître aux Philippiens, il relit l’événement de Damas comme lieu de révélation de la vraie « justice », de la vraie sainteté, que Dieu attend de l’homme : la communion au Christ pascal, sans avoir à passer par la Loi.Ces deux relectures sont liées.

Conversion ? Vocation ?

Le terme de « conversion » est ambigu dans notre langage actuel pour exprimer le changement dont Paul fait état.
Il ne s’est pas converti du péché à la sainteté, à la manière par exemple d’un Charles de Foucauld ; il ne s’est pas converti d’une fausse religion à la vraie : Paul n’a jamais eu conscience d’abandonner sa foi juive au moment où il adhérait au Christ Jésus, bien au contraire.Mais il a changé radicalement de regard sur la personne de Jésus : le Crucifié du Vendredi saint n’était plus à ses yeux le maudit de Dieu, mais son Fils glorifié en raison de son obéissance à son amour. En ce sens on peut parler de « conversion », de « retournement » complet.
En même temps il faut souligner que Paul exprime sa conscience d’avoir vécu cette « conversion » comme un « appel » à l’apostolat, au sens fort du terme : la vocation d’être apôtre du Christ ressuscité pour annoncer l’Evangile et fonder des Eglises.
Source : diocèse de Marseille

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