« Le regard de foi sur le monde: c’est le miracle des Papes »

Président émérite du Conseil pontifical pour la culture et du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, le cardinal Paul Poupard a travaillé auprès du Pape Jean XXIII de 1959 à 1963, puis auprès du Pape Jean-Paul II de 1980 à 2005. À l’annonce des canonisations de ces deux Saints-Pères, il donne son témoignage personnel.
 

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« C’est un bonheur tout à fait extraordinaire : deux Papes dont j’ai été le collaborateur vont être proclamés saint. J’étais tout jeune prêtre lorsque j’ai été appelé à la Secrétairerie d’État pour Jean XXIII. De lui, je retiens l’image du bon pasteur, du bon curé d’une paroisse à taille mondiale. C’était véritablement un homme d’unité et de paix, avec un humour remarquable.
Jean-Paul II, lui, était sur les pas de saint Paul : un missionnaire extraordinaire. De même que saint Paul a parcouru le bassin méditerranéen, Jean-Paul II a parcouru le monde entier. Je l’ai reçu à l’Institut catholique de Paris le 1er juin 1980. Il avait tenu à honorer la culture catholique avant de se rendre à l’Unesco. C’est là, qu’il m’a appelé à Rome au Secrétariat pour les non-croyants avant que je ne devienne ensuite son « ministre de la culture ».

L’un des grands moments forts vécus avec Jean XXIII est l’ouverture du concile Vatican II le 11 octobre 1963. Je reste marqué par cette procession interminable de près de 2500 évêques venus du monde entier. Pour la première fois se présentaient des évêques « autochtones » : des africains, des asiatiques, des latino-américains. Je me rappelle aussi de l’attentat contre Jean-Paul II le 13 mai 1981, de son agonie et de sa mort. Je garde un souvenir particulier des déjeuners de travail. Ce n’était pas un bureaucrate, il aimait la convivialité. Avant ces déjeuners, une messe était concélébrée dans sa chapelle privée. Un jour, il m’a demandé de lire l’Évangile. C’était le passage où par trois fois le Seigneur demande : « Pierre, m’aimes-tu ? ». J’étais très impressionné, à la fin j’arrivais à peine à parler, car Jean-Paul II répondait à chaque fois avec émotion « Oui, Seigneur, tu sais bien que je t’aime ».

Le soir de la mort de Jean XXIII, en 1963, j’étais invité à la télévision italienne. Le chauffeur de taxi qui m’a conduit eut ces paroles : « le pape Jean, un pape bon, un pape saint, un pape comme ça on n’en fait plus » Heureusement que si ! C’était déjà la canonisation populaire spontanée, avant la béatification prononcée par Jean-Paul II. Les cris de « santo subito » (canonisez-le tout de suite) ont été entendus sur la place Saint-Pierre lors des funérailles de Jean-Paul II. Avant même la déclaration officielle de l’Église, ces deux hommes inspirent au peuple de Dieu y compris aux personnes qui sont en dehors de l’Église, un sentiment très profond de sainteté.

Ces deux canonisations montrent que l’Église est toujours vivante. Ces deux hommes, aussi différents que l’on puisse imaginer, étaient tout ensemble pour l’amour de l’Église. L’un comme l’autre disent avec saint Paul « pour moi vivre c’est le Christ » ! Ils avaient un même abandon à Dieu. Ils ont été hommes de Dieu et pasteur chacun selon ses charismes. Jean XXIII, le jardinier de Dieu, et Jean-Paul II, le géant de la foi, étaient des puits de prière. Tous deux ont porté un regard de foi sur le monde. Ce regard de foi sur le monde, malgré tout ce qui va mal : c’est le miracle des Papes ! Leur rayonnement va bien au-delà des frontières visibles de l’Église. Le monde entier a reconnu des hommes vivant l’Évangile, ne demandant rien d’autre que de partager le message d’amour du Christ pour le monde. »
 

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