Costantino Fiore : « L’aumônier est une figure caractéristique de l’hôpital »

Costantino FiorePour la Journée mondiale du Malade et le Dimanche de la Santé, organisée dimanche 11 février, Costantino Fiore, aumônier national des établissements de santé au sein de la Conférence des évêques de France (CEF) et à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, explique la mission des aumôniers d’hôpitaux. Interview.

Qu’est-ce qu’un aumônier d’hôpital ?

Ce sont des laïcs en mission ecclésiale qui ont reçu une lettre de mission de l’évêque pour se rendre dans les hôpitaux ou les établissements de santé. Ils ont le statut de salarié(e)s. IIs ont cette « double casquette » d’être missionnés à la fois par le diocèse et d’être salariés de l’hôpital. L’aumônier est une figure caractéristique du milieu hospitalier.

Tous les hôpitaux sont-ils dotés d’un aumônier ?  

Un directeur d’hôpital est obligé d’assurer aux patients une prise en charge d’accompagnements spirituels. Il évalue les besoins par rapport à la taille de l’hôpital et le nombre de patients puis estime s’il juge nécessaire d’embaucher un aumônier à mi-temps ou à temps complet. En cas d’absence d’aumônier(s) salarié(s), la paroisse avec ses bénévoles prend le relai auprès du patient.

Quelles sont leurs prérogatives ?  

La mission de l’aumônier est d’accompagner les besoins spirituels des patients et de leurs familles. Dans l’expression « besoins spirituels », nous englobons la pratique religieuse mais aussi tout ce qui relève de la demande existentielle comme le sens de la vie, de la mort ou de la maladie. Toutes les questions de sens relèvent aussi du domaine spirituel.

Quelles formations reçoivent-ils ?

La fonction d’aumônier – de toute confession – s’exerce dans un cadre législatif. La circulaire ministérielle de 2011 définit précisément la mission de l’aumônier du secteur public. Il doit être formé aussi bien sur sa tradition religieuse que sur l’accompagnement des personnes en souffrance, l’écoute et la psychologie des personnes malades, le respect du cadre hospitalier, notamment en ce qui concerne la laïcité.

Vous êtes aujourd’hui Aumônier national des établissements de santé. Vous accompagnez tous les responsables diocésains. Qui sont-ils ?

Le responsable diocésain est le référent des aumôniers dans chaque diocèse. Il recrute, forme et encadre les aumôniers. Il propose des formations aux aumôniers et les accompagne avec des entretiens réguliers. Il peut intervenir aussi auprès des équipes et des directeurs d’établissement.

Combien d’aumôniers en France ?

Les aumôniers sont souvent rémunérés par les établissements de santé et non par les diocèses ce qui constitue une réelle opportunité au niveau pastoral. On recense entre 1000 et 1200 aumôniers en France. Ce chiffre varie sensiblement en fonction des restrictions budgétaires qui touchent les hôpitaux. Le temps de travail des aumôniers se voit parfois réduit de manière considérable.

Qui sont les patients qui vous sollicitent ?

L’hôpital est à l’image de la société. Nous rencontrons des pratiquants mais nous côtoyons aussi un public que nous ne voyons pas habituellement à l’église. Nous dialoguons et proposons notre présence tout en respectant la liberté de chacun. Le patient décide si la présence de l’aumônier l’intéresse ou non. Nous devons respecter le devoir de non-prosélytisme qui garantit le cadre neutre de l’institution hospitalière mais qui n’empêche pas non plus le contact avec les patients qui sont susceptibles d’être intéressés par le service de l’aumônerie de l’hôpital.

Quelles difficultés rencontrez-vous quotidiennement?

Les besoins sont nombreux mais les forces humaines disponibles ne sont pas assez conséquentes pour y répondre favorablement. La question de l’articulation entre les aumôniers et les équipes soignantes est vraiment décisive pour accompagner le patient. Les aumôniers sont considérés comme des partenaires dans le soin et la prise en charge du patient. Si cette articulation fonctionne bien, cela deviendra encore plus présent à l’esprit.

Quels sont les enjeux de demain ?

Les aumôniers doivent réfléchir de manière ecclésiale à la question de l’hospitalisation à domicile. La durée de séjour se raccourcie, les patients restent de moins en moins longtemps hospitalisés. L’enjeu est de former des bénévoles pour qu’ils ne se limitent pas à porter la communion le dimanche aux malades mais qu’ils soient capables d’accompagner des patients avec des pathologies lourdes (même des soins palliatifs) à domicile.

« Être aumônier, c’est être témoin de la tendresse du Christ »

Trois questions…

sur le parcours de Costantino Fiore, Aumônier national des établissements de santé.

Quelle est votre fonction au sein de la Conférence des évêques de France (CEF) ?

Depuis septembre 2017, je suis l’Aumônier national des établissements de santé. J’accompagne tous les Responsables diocésains des aumôneries d’hôpitaux (RDAH) dans leurs démarches de responsabilité en les soutenant, entre autre, dans leurs démarches auprès des directions d’établissement, par exemple pour la négociation des postes ou du lieu de culte. Nous organisons des formations au niveau national pour les responsables diocésains des aumôneries d’hôpitaux. En novembre 2017, le sujet portait sur la gestion des ressources humaines. Nous avons aussi des sessions spécifiques pour les aumôniers en psychiatrie, maternité ou pédiatrie car les besoins diffèrent.

D’où venez-vous ? Quel est votre parcours professionnel ?

Je suis Italien. J’ai commencé ma carrière professionnelle dans un hôpital en tant que conseiller juridique puis je suis devenu directeur d’un centre pour les jeunes à Milan. En parallèle de mon activité professionnelle, j’ai suivi quatre années de théologie. Je suis parti à l’étranger où je me suis investi dans l’interculturel et l’interreligieux grâce à une Fondation américaine qui réalisait des projets en Terre Sainte. Après cette expérience, j’ai organisé un projet en France pour tous les grands leaders religieux de Lyon qui devaient partir à Jérusalem. Ce voyage n’a malheureusement pas pu avoir lieu à cause d’évènements liés au conflit israélo-palestinien. C’était alors l’occasion de m’installer à Lyon en famille en 2009. Le diocèse de Lyon m’a alors proposé une mission d’aumônier. En 2014, je suis devenu responsable diocésain des aumôniers d’hôpitaux et en 2017, j’ai accepté la mission au niveau national, tout en gardant  un pied à l’hôpital (un temps partiel).

Que vous apporte cette mission d’aumônier d’hôpital (AH) ?

Etre aumônier, c’est être témoin de la tendresse du Christ dans un endroit qui n’est pas un lieu d’Eglise mais où l’Église est attendue et a toute sa place. C’est aussi découvrir le questionnement  existentiel de beaucoup de patients, croyants ou pas,  à l’occasion d’un séjour à l’hôpital. Autour du patient se réunit la famille et les proches, nous découvrons qu’ils ont aussi besoin d’être écoutés et accompagnés. L’hôpital est, finalement, un lieu de grande présence humaine où le personnel soignant doit assurer une grande charge de travail et mérite également d’être écouté.

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