« Nos églises sont une chance pour l’évangélisation » Mgr Jacques Habert

Mgr Jacques HABERT, évêque de Séez Stéphane OUZOUNOFF/CIRIC

Mgr Jacques HABERT, évêque de Séez Stéphane OUZOUNOFF/CIRIC

Mgr Jacques Habert est l’évêque de Séez (Orne). Il est responsable du groupe de travail « Les églises, un nouvel enjeu pastoral » qui a mené durant deux ans une réflexion sur l’utilisation de nos 42 000 clochers.

Pourquoi la Conférence des évêques de France (CEF) a-t-elle mené cette réflexion sur l’utilisation des églises ?

Un groupe de travail s’était penché en 2009 sur les désaffectations d’églises. Le rapport Minnerath qui l’avait suivi abordait cette question sous un angle essentiellement juridique, nous avons voulu continuer à étudier cette problématique sur un plan plus pastoral. La question était de savoir comment utiliser nos églises, comment favoriser le dialogue entre ceux qui sont concernés par cette question : les curés, les communautés chrétiennes, les associations de sauvegarde du patrimoine, les élus et le monde culturel. Les conclusions de notre travail ont été présentées au collège des Bernardins à Paris en mars dernier.

Comment vont nos églises ?

Il faut tordre le cou à l’idée fausse selon laquelle beaucoup d’églises sont désaffectées, volées, ou vendues. Il y en a finalement très peu, mais nous sommes conscients que les choses peuvent évoluer dans les années à venir et qu’il faut rester vigilant. La question des églises est très liée à celle du monde rural qui s’est désertifié. Aujourd’hui, beaucoup d’églises n’ont presque plus d’utilité. Certains villages n’ont plus de curé ni de communauté chrétienne. Mais nous sentons un grand attachement des villageois à leur clocher, y compris chez ceux qui ne pratiquent pas. Nous souhaitons mobiliser les diocésains afin qu’ils procèdent à un inventaire, qu’ils nous disent sur quelles églises porter plus particulièrement notre attention, et quelles sont celles qui doivent simplement être ouvertes.

Comment un prêtre situé en zone rurale peut-il s’occuper à la fois de plusieurs clochers ?

Savoir comment s’occuper de nos églises est un enjeu pastoral. Dans mon diocèse par exemple, deux jeunes prêtres sont à la tête de quarante ou cinquante clochers. L’un d’eux veut tous les faire vivre. Cet été, il a mobilisé ses paroissiens pour nettoyer les églises, il y a célébré la messe. Cela lui a pris un temps considérable, il s’est épuisé, mais cela a porté des fruits et il était très heureux. L’autre a préféré en choisir une dizaine pour en faire des lieux vivants, accueillants, et il ne se rend dans ses autres clochers que pour y célébrer des enterrements ou des mariages. Ce sont deux écoles intéressantes. Chacun agit à sa manière. Je ne peux pas dire qui a raison et qui a tort.

Quel risque encourt une église qui n’est plus fréquentée ?

La loi de 1905 autorise le maire à demander la désaffectation d’une église dans laquelle il n’y a eu aucune célébration pendant six mois. C’est en réalité très rarement appliqué. Je n’ai, pour ma part, reçu aucune demande de ce type dans mon diocèse, bien que deux ou trois cents églises soient dans ce cas.

Pensez-vous qu’il est préférable de raser une église plutôt que de la voir transformée en salle de sport ou en restaurant ?

Dès lors qu’une église est désaffectée, l’Église n’a plus rien à dire sur son utilisation. Nous n’avons plus le bâtiment en main. Le maire qui en est propriétaire peut choisir de la démolir ou d’en faire autre chose. Certaines affectations nous peinent, mais, du fait du décret d’exécration, ce ne sont plus des églises.

Comment expliquer la construction de nouvelles églises tandis que certaines sont laissées à l’abandon ?

Tout simplement parce que certains lieux connaissent un tel afflux d’habitants qu’il faut construire des églises. Dans les diocèses de Meaux, de Pontoise et d’Évry, fleurissent des villes nouvelles. Les chrétiens ont besoin d’un bâtiment pour se réunir et prier.

Que préconisez-vous pour faire vivre nos églises ?

Nos églises sont entre les mains des communautés. Il faut les ouvrir tous les jours, les entretenir, les nettoyer. Quelques jours par semaine, on peut venir y réciter le chapelet, faire un temps d’adoration, lire la parole de Dieu, prier avec les enfants du catéchisme. Elles doivent être des lieux accueillants. Les gens doivent pouvoir y venir pour se recueillir. Les touristes attirés par son architecture peuvent aussi y rencontrer Dieu si elle est mise en valeur, s’il y a une croix magnifique, une belle statue de la Vierge, et qu’une visite organisée leur explique la signification des vitraux. Certes, ces églises dont nous héritons sont une lourde charge pour les curés, mais elles sont aussi des chances pour l’évangélisation.

Êtes-vous optimiste pour l’avenir de nos églises ?

Je suis confiant. Depuis que je suis arrivé dans mon diocèse en 2010, j’ai béni des dizaines d’églises rénovées qui menaçaient ruine. Certes, je vois les curés qui ont quarante clochers à gérer et qui croulent sous un nombre de tâches impressionnant. Mais ce groupe de travail a permis de mobiliser les communautés chrétiennes autour de ce sujet. Par ailleurs, la Conférence des évêques de France a mis en place une cellule de veille destinée à venir en aide aux diocèses confrontés à des questions compliquées sur telle désaffectation ou telle utilisation culturelle.

Cet article a été reproduit avec l’aimable autorisation de Famille Chrétienne

Porte Sainte de l'église Saint François de Sales, diocèse de La RéunionMISE EN PLACE D’UNE CELLULE VEILLE « ÉGLISES »
Structure opérationnelle de soutien institutionnel proposant une expertise et une aide à la réflexion sur les problématiques liées aux églises dans la société française aujourd’hui.

Dans la suite du groupe de travail initié et animé par Mgr Jacques Habert, évêque de Séez, ainsi que dans le prolongement du colloque sur «Les églises, un enjeu pour tous !», une cellule de veille est mise en place au sein de la Conférence des évêque de France.

Ses missions et son fonctionnement :
Cette cellule de veille aura pour mission première d’être un lieu d’écoute, de rencontres, afin de relayer informations et difficultés après les avoir mutualisées. Des réponses pourront ainsi être apportées en fonction des expertises et du temps disponible de chacun des membres, et des personnes ressources pourront être sollicitées ponctuellement dans ce cadre. Un cahier des charges concernant l’étendue plus précise du champ d’action de cette cellule, rythme de rencontres etc., est à l’étude.

Sa composition :
MGR JACQUES HABERT, évêque de Séez,
ANNE-VIOLAINE HARDEL, directrice du service juridique de la CEF,
MAUD DE BEAUCHESNE, responsable du service Art sacré,
BENOÎT DE SAGAZAN, rédacteur en chef du Monde de la Bible.

D’ores et déjà, une adresse courriel lui est dédiée : celluleveille.eglises@cef.fr

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