« Chemins d’Humanité » initie les prêtres aux lois du marché

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Eric Coisne, président, et Caroline Auriach, directrice de la formation de Chemins d’Humanité.

« Chemins d’Humanité » vient de fêter ses 20 ans, du 13 au 17 mars 2017, à Rome. Sous l’autorité d’un Conseil d’Orientation, présidé par Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et Président du Conseil Famille et Société (CEF), l’association propose aux prêtres une formation aux réalités économiques. Elle s’appuie sur un réseau de cadres dirigeants bénévoles, et organise des déplacements sur les lieux de travail. Près de 100 prêtres, hommes et femmes d’entreprise ont participé au pèlerinage pour « ensemble, tracer des chemins d’espérance ». Le pape François les a salués à l’audience générale. Romilda Ferrauto est allée à leur rencontre.

C’est dans une sorte d’état de grâce qu’ils ont fêté leurs vingt ans, sous le soleil éblouissant de la Ville éternelle. A Rome, pendant cinq jours, 95 prêtres et bénévoles laïcs ont célébré l’anniversaire de la naissance en 1996 des « Chemins d’Humanité« . Sereins et souriants, le président, Eric Coisne, entrepreneur chevronné, et la directrice de la formation, Caroline Auriach, ingénieur dans une grande entreprise, m’accueillent dans le cloître du couvent de la Trinité-des-Monts, un des hauts-lieux français de Rome. Avec le sentiment du travail bien accompli, ils vont prendre le temps de m’expliquer pourquoi les Chemins d’Humanité, « eh bien ça marche ! »

Eric Coisne, qui est également président du « Réseau Entreprendre » à Paris, le reconnaît : il adore l’entreprise ; pour lui c’est un lieu d’épanouissement. Bien sûr, certaines économies sont destructrices et provoquent bien des souffrances ; mais d’autres sont créatrices de richesse et de talents et respectueuses des salariés comme de l’environnement. « Chemins d’Humanité » a été créé par un chef d’entreprise chrétien, André Mulliez, qui n’en pouvait plus d’entendre « les curés bouffer du patron ». Son objectif : faire en sorte que l’Eglise et le monde de l’entreprise apprennent à se connaître et parviennent à surmonter leurs préjugés réciproques. « Il ne s’agit pas d’appliquer les méthodes de l’entreprise à l’Eglise, explique Eric Coisne, mais de permettre aux prêtres de mieux connaître le monde du travail ».

Il faut de l’audace aujourd’hui pour annoncer l’Evangile 

« Nous sommes une structure incarnée : les pieds dans la glaise et la tête très haut vers le ciel », souligne pour sa part Caroline Auriach. « La démarche de « Chemins d’Humanité » est une démarche inductive, ajoute-t-elle. Notre cœur de métier, c’est de déplacer les prêtres dans un monde qui n’est pas celui dans lequel ils vivent et leur proposer des activités radicalement différentes, dans les entreprises, au Parlement européen de Strasbourg, à l’ONU, à la Croix- Rouge.

Jusqu’ici, quelque 300 prêtres ont suivi le parcours, toujours avec l’accord de leur évêque. Pendant des sessions de formation de six semaines, réparties sur deux ans, des bénévoles aident les prêtres à découvrir que l’entreprise n’est pas seulement un lieu de restructuration et de profit, mais qu’elle répond aux besoins des clients, en leur offrant des produits. On leur apprend à créer une petite entreprise et à découvrir les règles du marché. On leur apprend aussi à oser, conformément à la devise d’HEC, « car il faut de l’audace aujourd’hui pour annoncer l’Evangile », insiste Eric Coisne qui tient encore à préciser : « Ce n’est pas une pédagogie, ce sont des rencontres entre personnes…avec le Christ au centre ». Un peu plus loin, dans le jardin du Pincio qui surplombe la place du peuple avec son grand obélisque au centre, nous rencontrons le groupe des participants à l’atelier photo ; fatigués mais heureux. Ils vont repartir enrichis surtout de la rencontre de l’autre.

Se rencontrer en vérité et parler en humanité

C’est la première fois que « Chemins d’humanité » se déplace à Rome ; et le pari est réussi : par le biais d’activités diverses – des promenades dans Rome par petits groupes, des ateliers de peinture, de cuisine ou de photo, une balade à Ostie, un cours d’économie, un concert dans une salle décorée de précieuses fresques….. – des prêtres issus des vingt promotions et des bénévoles laïcs ont pu partager, se rencontrer en vérité et parler en humanité, avec les fragilités et les talents des uns et des autres. Au départ de leur séjour : l’Évangile de Saint Luc (10, 1..20), « Il les envoya par deux devant lui ».

Au Vatican, les participants ont été reçus par Mgr Joël Mercier. Le Secrétaire de la Congrégation pour le Clergé a insisté sur l’importance de la formation permanente des prêtres qui doit être spirituelle, intellectuelle et pastorale, certes, mais aussi humaine. D’où la nécessité de créer des liens d’humanité des prêtres entre eux et avec les laïcs. En revanche, les participants n’ont pas été reçus par le pape François – qui préfère les plus pauvres, note Eric Coisne avec un petit sourire – mais ils ont pu assister à l’audience générale. Et ils se sont sentis directement interpellés, quand le Saint-Père a invité, dans sa catéchèse, à rendre l’économie plus humaine et quand il a fustigé les entreprises qui n’hésitent pas à licencier pour optimiser le profit, « un péché grave ».

Eric Coisne se dit comblé par ce passage au Vatican. Pendant vingt ans, « Chemins d’Humanité » a travaillé discrètement, dans l’ombre. L’Association a maintenant décidé de prendre la parole pour que les évêques comprennent ce qu’elle fait et qu’ils leur envoient des prêtres. Quant à elle, Caroline Auriach insiste encore sur la valeur ajoutée de ce déplacement à Rome où « l’art est présent partout ». Elle se dit convaincue que la beauté contribue largement à sauver le monde et qu’on peut aller au Ciel en passant par la science.

Romilda Ferrauto est journaliste accréditée auprès du Saint-Siège

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