Le Caucase, une région fragile et instable à la porte de l’Europe

carte_caucaseLe pape François se rend au Caucase, du 30 septembre au 2 octobre 2016. Ce voyage apostolique – deux jours en Géorgie puis un en Azerbaïdjan – sera l’occasion de vivre l’oecuménisme et le dialogue interreligieux.

La région montagneuse qui s’étend de la mer Noire à la Caspienne peut aisément apparaître comme un ensemble cohérent. Les trois ex-Républiques socialistes de l’URSS, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, devenues indépendantes en 1991, mettent volontiers en avant leurs affinités culturelles et historiques. Elles ont adhéré au Conseil de l’Europe et disent partager les « valeurs européennes » (Etat de droit, droits de l’Homme, démocratie pluripartiste, etc). Pourtant, ces convergences apparentes recouvrent de profondes différences. Aujourd’hui, leurs chemins divergent largement. Le Caucase, tant au Nord qu’au Sud, a toujours été une mosaïque de peuples et la désagrégation de l’empire communiste a eu pour effet de redonner vie à des conflits que la domination de Moscou avait occultés.

Si l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie ont aujourd’hui quelque chose en commun, c’est plutôt la difficulté à trouver leur stabilité et une autonomie par rapport à l’ancien maitre moscovite.

  1. L’héritage de la domination russe

Tiraillé pendant des siècles entre Ottomans et Perses, le Caucase entre dans l’histoire européenne au fur et à mesure de la progression militaire russe au XIXème siècle. Ensuite, l’emprise soviétique dure 70 ans. Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie accèdent à l’indépendance en 1991 au moment où l’URSS implose, mais le régime communiste a laissé une empreinte qui n’est pas près de s’effacer.

L’Arménie et la Géorgie sont, depuis leur indépendance, régulièrement agitées par des manifestations violentes et des troubles qui dégénèrent. L’Azerbaïdjan semble moins instable mais sa démocratie est en fait un régime autoritaire, une dynastie familiale (Aliev).

  1. Des contentieux territoriaux non résolus

La domination soviétique avait relégué au second plan les conflits territoriaux et ethniques des siècles passés. La chute du communisme a remis en cause ces équilibres qui ne tenaient que par la poigne du Kremlin.

  • La guerre du Haut Karabakh

Le territoire autonome du Haut Karabakh est peuplé majoritairement d’Arméniens mais enclavé totalement dans la République d’Azerbaïdjan. Cette dernière devenue indépendante est aussitôt  entrée en conflit avec l’Arménie à ce sujet. Les hostilités entre les deux nouveaux Etats ont été très violentes. L’Arménie a mis la main sur le Haut Karabakh et occupe de plus une portion importante du territoire azerbaïdjanais, avec un exode d’un million de réfugiés azéris.

Les incidents de frontière sont récurrents, les derniers en date ayant eu lieu en avril, causant la mort de plusieurs dizaines de personnes. L’Arménie a annexé le territoire du Haut-Karabakh, annexion non reconnue par la communauté internationale. Mais Bakou attend le moment propice pour récupérer ce qu’il estime lui appartenir.

  • Les provinces perdues de la Géorgie

La Géorgie est elle-aussi perdante de la remontée en puissance d’une Russie non résignée à perdre son influence sur son environnement immédiat. Deux provinces géorgiennes échappent aujourd’hui au contrôle de Tbilissi : l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. On se souvient du fiasco militaire géorgien en 2008 lors d’une tentative de reconquête militaire. Et de l’impuissance de l’Union Européenne et de l’OTAN d’offrir leur médiation dans cette zone décidément encore aux mains de Moscou.

  1. Une région devenue stratégique

La découverte de réserves pétrolières et gazières considérables autour de la Caspienne n’a fait qu’accroître l’intérêt des grands pays industrialisés pour la région. Second sujet sensible : le tracé du débouché vers la Turquie et la mer Noire du pétrole et du gaz avec plusieurs trajets. Toutes les compagnies multinationales liées à l’énergie  y sont présentes. On ne s’étonnera donc pas que l’OTAN et l’Union européenne se soient impliquées dans la région avec des fortunes diverses.

L’Azerbaïdjan préfère rester dans le giron de Moscou. La Géorgie a suivi une autre voie, plus risquée, en cherchant à se rapprocher de l’OTAN avec l’objectif avoué d’en devenir membre à terme. L’Arménie se situe à mi-chemin et évite de détériorer ses relations avec Moscou.

L’Union européenne a proposé aux trois pays un «partenariat oriental». La Géorgie, plus réceptive, a conclu avec Bruxelles un accord d’association. L’Arménie s’est contentée d’un accord de partenariat et de coopération.

  1. Le poids du facteur religieux et de la menace islamiste

    Le facteur religieux ne contribue pas de surcroît à un rapprochement. L’Arménie et la Géorgie se sont tournées vers le christianisme dès les premiers siècles. 95% des Arméniens appartiennent à l’Eglise arménienne apostolique et 88% des Géorgiens relèvent de l’orthodoxie (Eglise autocéphale). Les catholiques de rite latin ne sont que quelques dizaines de milliers dans les deux pays. L’Azerbaïdjan est en revanche presque exclusivement musulman avec 85% de chiites et seulement 15% de sunnites.

    Menace islamiste ? Le président Aliev semble contrôler la situation dans son pays. Par contre, les régions russes du nord de la Géorgie, Daghestan et Tchétchénie, sont depuis une vingtaine d’années un terrain d’élection pour les djihadistes qui veulent y déclarer un « Emirat du Caucase ». Ce djihadisme traqué par Moscou est officiellement en voie d’éradication. La lutte contre le terrorisme islamiste sert aussi d’alibi aux autorités russes à la fois pour limiter les libertés démocratiques et pour s’ingérer dans les affaires des voisins.

    Ce tableau de la situation dans le Caucase, où le Pape François se rend cette année comme l’avait fait jadis Jean Paul II, fait ressortir les éléments de fragilité et de faiblesse d’une région mal connue mais qui se situe aux portes de l’Europe et peut à tout moment se muer en zone de conflit. Partagé entre la tentation de se rapprocher de l’Europe occidentale pour sortir de son enclavement et le souci de ne pas donner à ses puissants voisins des motifs de s’ingérer dans ses affaires, le Caucase reste une zone grise où ce qui sépare ses trois composantes semble plus fort que ce qui pourrait les rassembler.

    Dominique Chassard

    Service National de la Mission Universelle de l’Eglise (SNMUE)

     

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