Filles de la sagesse : la créativité de l’amour

affiche_marie_heurtinLa sortie de « Marie Heurtin » (12 novembre 2014) est l’occasion d’un coup de projecteur sur la belle action éducative des Filles de la Sagesse vis à vis des personnes souffrant d’une triple infirmité (sourdes, muettes, aveugles). Sœur Anne-Marie David évoque l’histoire des héroïnes du film ainsi que l’actualité de sa congrégation. Propos recueillis par Chantal Joly.

Marie Heurtin et Sœur Marguerite dont il est question ont-elles réellement existé et qu’avez-vous pensé du film ?
Leur histoire, qui se situe à la croisée du 19e siècle et du 20e siècle fait partie du patrimoine de notre congrégation. Elle est racontée dans un livre ayant fait l’objet de nombreuses rééditions : Âmes en prison. L’École des Sourdes-Muettes-Aveugles. Il évoque « la merveilleuse éducation » donnée alors par une jeune religieuse de l’institution des aveugles et des sourdes-muettes de l’institut de Larnay (Vienne) à une enfant de 10 ans, confiée aux sœurs par ses parents, en l’état de « petit monstre furieux » que tout agresse.
Le film est certes romancé. Il a pris un peu de champ par rapport à la vérité historique : Il n’évoque pas, par exemple, le fait que Sœur Marguerite s’est inspirée de méthodes initiées par une autre religieuse, Sœur Médulle. Mais il reflète très bien la difficulté à vaincre ces pluri-handicaps et à créer une pédagogie adaptée et efficace. Si j’ai été un peu gênée au début par la violence de certaines scènes -car c’est vraiment un corps à corps auquel nous assistons- j’ai vraiment été bouleversée de ce que peut signifier l’enfermement de ne pouvoir ni parler, ni voir, ni entendre.

Juste avant que ne soit lancée l’Année de la vie Consacrée, Isabelle Carré, qui interprète Sœur Marguerite, offre une belle figure de religieuse apostolique !
Sœur Marguerite est profondément touchée par la condition de Marie Heurtin. Touchée dans ses entrailles, elle s’engage, ose. L’impossible devient possible. Sa compétence, sa patience, sa créativité, sa tendresse … ouvrent le long chemin qui va permettre à cette enfant de devenir véritablement une femme. Elle s’appuie sur le toucher et l’odorat et peu à peu lézarde la prison du triple handicap. Dans un dur combat, l’enfant développe ses capacités, son intelligence, sa sensibilité, une vie intérieure et découvre la présence de Dieu. On rejoint ici la dimension spirituelle profonde du savoir-faire de ma congrégation. L’objectif du film n’est pas de parler de la vie religieuse, il n’évoque d’ailleurs pas la prière. Pourtant, même si c’est discret, on perçoit que Sœur Marguerite n’est pas seule. Elle est soutenue, encouragée par toute une communauté. Elle est reflet de Celui qui est au cœur de sa vie, reflet de la douceur du Christ sur laquelle notre fondateur saint Louis-Marie Grignion de Montfort a écrit de très belles pages.

Quelle est la spiritualité spécifique et la mission des Filles de la Sagesse ?
Jeune prêtre à Paris, notre fondateur Louis-Marie est rejeté, son radicalisme évangélique le mettant en grande difficulté. Au cœur de cette pauvreté fondamentale, le Christ lui dévoile qu’il est la Sagesse de Dieu. Cette expérience spirituelle bouleverse sa vie. Désormais il n’a qu’un désir : faire découvrir l’amour et la douceur de la Sagesse éternelle et incarnée, et sa manière de vivre qui est folie pour les humains. Lorsqu’il rencontre Marie-Louise Trichet à l’hôpital de Poitiers, dont il est aumônier et où règne une grande misère, il lui demande de s’y mettre à l’école des pauvres durant dix ans. De là naît la première communauté des Filles de la Sagesse à qui il confie : « Ceux que le monde délaisse doivent vous toucher le plus » pour apporter la Bonne Nouvelle de l’évangile.
Dès l’origine, notre Congrégation développe son apostolat dans trois grands domaines : la santé, l’éducation et le social. En France, la baisse des vocations et le vieillissement nous ont provoqué à « faire toute chose nouvelle ». Une dizaine de nos institutions médico-sociales sont gérées aujourd’hui par des associations locales, Loi 1901, qui ont adhéré à la « charte Sagesse ». L’association « Larnay Sagesse » poursuit en gérant des établissements médico-sociaux qui accueillent des résidents sourds ou aveugles avec handicaps associés. Une équipe sous la responsabilité de la Provinciale anime par ailleurs un réseau de 17 établissements scolaires sous tutelle directe ou associée.
Par la vie simple et priante de nos communautés locales, nous sommes présences d’Église, y compris dans des quartiers difficiles comme « Les Tarterêts » à Corbeil-Essonnes. Vivre la mission à la suite du Christ développe ce que j’aime appeler la créativité de l’Amour.

Une congrégation internationale

Les Filles de la Sagesse sont présentes sur les cinq continents et comptent trois noviciats internationaux. Avec Madagascar et, elles l’espèrent bientôt, Haïti, elles développent un « réseau francophone Sagesse » qui met en lien leurs différents établissements scolaires.

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