« Newman, un guide spirituel pour notre temps »

Prêtre de l’Oratoire de France et Président de l’Association française des Amis de Newman, le Père Keith Beaumont, 66 ans, consacre son ministère à l’œuvre du cardinal John Henry Newman. Il est l’auteur de la biographie officielle pour la béatification, le 19 septembre 2010, par le pape Benoît XVI.
 

Que retenez-vous du voyage de Benoît XVI au Royaume-Uni ?

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Pour moi, le plus important, a été la béatification du cardinal John Henry Newman. C’est un événement exceptionnel, préliminaire à sa canonisation et à sa déclaration comme Docteur de l’Eglise. Dans l’avion pour l’Ecosse, le pape a parlé du « docteur Newman » ! Pour Benoît XVI, c’est un grand enseignant, un grand auteur. Newman est certainement un saint mais ce qui est particulier dans son cas, c’est qu’il est aussi un penseur, un écrivain. Ce qu’on propose aux fidèles n’est pas simplement sa vie mais aussi sa pensée et son enseignement. Un miracle est en cours d’investigation. La canonisation pourrait avoir lieu dans deux ou trois ans…
Deuxième chose : la visite a été très contestée par une petite minorité. C’est un phénomène un peu étrange car la société britannique s’est toujours fait remarquer par une certaine tolérance. Depuis dix ans, cette minorité mène campagne au nom d’un athéisme militant et agressif. Elle a fait pas mal de bruit avant l’arrivée du pape. Il semblerait que tout cela ait complètement été étouffé par l’impact positif de la visite. Toutes les chaînes, sauf une, en ont donné un écho très favorable. Je crois que le Saint-Père a conquis le public par sa douceur, son humilité, sa simplicité. Sa clarté et son courage lui ont valu beaucoup d’estime.
 

Comment les Anglicans ont-ils vécu cette visite et la béatification de Newman?

L’immense majorité des Anglicans libéraux sont honorés par cette béatification parce que Newman est une grande figure de la culture anglaise. Il n’appartient pas à l’Eglise catholique mais à l’Angleterre tout entière. Ceux qu’on appelle les Anglo-catholiques – proches de l’Eglise catholique – le considèrent déjà comme un saint, un peu comme nous. La rencontre avec la Reine, avec les parlementaires, les représentants de l’Eglise anglicane, toutes ces rencontres revêtaient un sens symbolique très fort.
 

Vous pensez que Newman peut répondre à la soif spirituelle de nos contemporains…

Le titre de la biographie que j’ai rédigée pour la béatification est : « Le Bienheureux John Henry Newman, un théologien et un guide spirituel pour notre temps » (Editions du Signe). C’est un homme à l’intelligence très fine, dont la culture est immense et qui est pétri de la Bible, des écrits des Pères de l’Eglise. A partir de la fin du XIIIème siècle, notre Eglise a connu une séparation croissante entre la théologie – devenue une activité purement intellectuelle – la morale et la spiritualité. Chez les Pères de l’Eglise tout cela forme une unité. Le théologien est l’homme qui cherche Dieu, dans l’Ecriture, la méditation, la prière. Pour Newman aussi, cela forme un tout. Il nous aide à penser Dieu de manière à mieux Le prier et à mieux Le chercher.
 

Pour vous, Newman a quelque chose à dire à tous aujourd’hui et à la France en particulier…

Nous avons trop tendance, en France, à penser en terme d’opposition : de gauche ou de droite, « tradi » ou progressiste. Newman fait toujours le tour complet d’une question. Il cherche à cerner ce qu’il appelle « le réel ». C’est le contraire d’un idéologue. Il a fait énormément d’accompagnement spirituel. Il cherchait à cerner la spécificité des personnes, à proposer des réponses adaptées aux besoins concrets de chacun. Il a un sens très fort de l’individualité, de la complexité de tout être humain. En même temps, il est persuadé que Dieu nous traite tous de manière différente, selon ce que nous sommes. J’aime parler d’un « humanisme spirituel ». On retrouve cela chez le saint patron de Newman, Saint Philippe Néri (1515-1595), fondateur de l’Oratoire. Aujourd’hui, nous avons un peu trop tendance à penser le chrétien soit en terme intellectuel soit en terme de valeurs. Dans un de ses sermons, Newman écrit qu’on peut presque définir un « vrai » chrétien : « Il y a un sens intime de la présence de Dieu en lui ». La grandeur de ce que Newman nous dit aujourd’hui est cette vision complète de la vie chrétienne : développement de tous les dons en se laissant habiter par la présence de l’Esprit du Ressuscité. Ce grand intellectuel avait aussi une sorte d’empathie instinctive pour les gens simples. Pour lui, leur foi d’ordre existentiel, relationnel, est une vraie foi.
 

Cardinal John Henry Newman

Colloques et cours sur Newman à Paris

« Tradition, développement, Église dans la pensée de John Henry Newman »
Du 7 octobre au 16 décembre 2010 au Centre Sèvres
Par le P. Keith Beaumont.

« Lire John Henry Newman à l’occasion de sa béatification »
14 octobre 2010 au Collège des Bernardins
Avec notamment le P. Keith Beaumont et Mgr Olivier de Berranger, évêque émérite de Saint-Denis.

« La sainteté dans l’œuvre de Newman »
13-14 novembre 2010 à la Maison Nicolas Barré
Avec 12 intervenants dont 5 de l’étranger et le P. Keith Beaumont.

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