50 ans de liens privilégiés entre la France et l’Amérique latine

Au sein du Service national de la Mission Universelle de l’Eglise, P. Luc Lalire est Secrétaire du Pôle Amérique latine, rattaché aux échanges entre Eglises (Fidei Donum). Ordonné en 1989 prêtre du diocèse de Dijon, il a passé 6 ans en Uruguay. Avec le P. Hahusseau, actuellement Fidei Donum au Brésil,  il revient sur 50 ans de liens privilégiés entre la France et l’Amérique du Sud.
 

Comment le pôle Amérique latine est-il né ?

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Anciennement « Comité Episcopal France Amérique Latine » (CEFAL), le pôle Amérique latine trouve son origine dans une lettre du 25 septembre 1961 écrite par le pape Jean XXIII au cardinal Liénart, alors évêque de Lille et président de « l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France ». Ancien nonce apostolique en France, Jean XXIII a vu les évêques de France « accepter généreusement le départ de leurs prêtres pour des régions lointaines ». En fait, en 1957, l’encyclique Fidei Donum (« le don de la foi ») du pape Pie XII, son prédécesseur, invitait à changer de perspective sur la mission. Autrefois, elle était de la responsabilité de Rome et des instituts religieux. Ce texte l’inverse en disant que les évêques sont responsables de la mission dans tous les pays. D’où l’idée d’envoyer aussi des prêtres diocésains comme missionnaires. La lettre de 1961 vise plus particulièrement le continent latino-américain « où l’ampleur des territoires, les ajustements politiques et économiques ont contribué (…) à rendre difficile la solution du grave problème des vocations ». Face aux bouleversements des années 60, il invite la générosité de la France à s’exercer aussi à l’égard de l’Amérique latine.
 

Où en est la présence française en Amérique latine ?

Il y a aujourd’hui 70 prêtres Fidei Donum en Amérique latine. Au total, plus de 300 prêtres sont partis. Certains y ont passé leur vie, d’autres 5 ou 6 ans, d’autres encore font des allers-retours. Quand un prêtre français propose à son évêque de partir, que celui-ci l’y autorise et le « prête » à un autre évêque, le pôle Amérique latine fait l’interface. Nous établissons les contrats et bien souvent aussi, les contacts. Nous avons une mission d’expertise. Actuellement, nous avons deux demandes d’évêques Sud-américains : en Uruguay et en Bolivie.
 

Vous rentrez d’un voyage de six mois sur le terrain. Qu’en retenez-vous ?

A l’origine et jusqu’en 1973, un prêtre qui vivait en Amérique latine était en contact avec tous les prêtres qui partaient et tous les diocèses qui les recevaient. Il a été remplacé par des délégués locaux par pays. Aujourd’hui, c’est le Secrétaire du pôle Amérique latine qui va rendre visite aux délégués et aux personnes. Je remarque une présence très importante auprès des populations les plus défavorisées. C’est un trait caractéristique des missionnaires français. Je note aussi une réelle intégration – culturelle, sociale, dans le clergé local et à la pastorale locale – mais aussi une expertise.
 

Vous avez reçu Mgr Tito Solari, archevêque de Cochabamba (Bolivie) ?

Il a été très heureux de l’accueil que lui a réservé la Conférence épiscopale française. Il a été reçu par Mgr Thierry Jordan, archevêque de Reims et membre de la Commission pour la Mission Universelle de l’Eglise, en présence aussi de Mgr André Lacrampe, archevêque de Besançon. Il en est ressorti deux demandes : l’accueil d’un prêtre français chez lui et la formation intellectuelle et pastorale de prêtres boliviens chez nous.
 

Vous invitez le P. Henri Burin des Roziers, o.p., à intervenir sur le droit à la terre le 22 septembre à la Maison de la Conférence des évêques ?

P. Lalire : « C’est un personnage. Il est lié à un enjeu fondamental qui est la question de la terre, avec un regard d’avocat, puisqu’il en parle en expert. C’est un homme tout simple, âgé, à la santé fragile, qui s’attaque à des réalités qui sont dix fois plus grosses que lui : il représente la force des faibles. Dans l’Eglise d’Amérique latine, on parle beaucoup du droit à la vie. Cela touche bien sûr la question de l’avortement mais je trouve que ça vaut la peine de comprendre de la même façon le droit à la terre ».

P. Hahusseau : « Il est issu d’une grande famille française et comme avocat en France, faisait partie du Barreau de Paris. Dans sa vie, il a connu une conversion à l’Evangile. Il a donné corps à ce désir de justice et de vérité. C’est un homme de foi extraordinaire ».
 

De l’Eglise au Brésil

A la messe de clôture des Journées Mondiales de la Jeunesse de Madrid (16-21 août 2011), le pape Benoît XVI a donné rendez-vous aux jeunes à Rio de Janeiro en 2013. L’Eglise au Brésil peut s’enorgueillir de personnalités comme Dom Helder Camara (1909-1999), archevêque de Recife, ou Mgr Paulo Evaristo Arns, archevêque émérite de Sao Paulo. La Conférence épiscopale brésilienne est la 3ème mondiale avec 250 évêques. Cet énorme territoire accueille plus d’une centaine prêtres, religieux et religieuses français, engagés auprès des plus pauvres. Au phénomène des mégapoles s’ajoute tous les problèmes liés à l’occupation des terres. L’engagement de l’Eglise auprès des paysans y est emblématique, à travers notamment la « Commission pastorale de la terre », présente dans pratiquement tous les diocèses.
« La jeunesse est ébranlée », confie le P. Jacques Hahusseau, Fidei Donum dans l’État brésilien du Roraima. Un constat imputé aux nouveaux moyens de communication, à l’urbanisation rapide qui entraîne un déracinement familial et la perte des repères. Aujourd’hui deux mondes – riches et pauvres – coexistent avec leur organisation propre. « Mais il y a beaucoup de cœur et de vie » au Brésil. Le P. Lalire souligne la « pastorale de criança » qui lutte contre la mortalité infantile et qui s’est développée dans tout le Brésil.

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