L’Église réamorce le débat sur l’arme nucléaire

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Son expertise pour éclairer des débats de société, l’Église sait aussi la mettre au service de questions peu médiatisées quoique cruciales. Ainsi du bien-fondé de la dissuasion nucléaire, discuté à la Conférence des évêques de France, le 19 février dernier, à l’occasion de la présentation du livre La paix sans la bombe ? (Éd. de l’Atelier).
 
« Un outil pour amorcer ou permettre un débat un peu démocratique », c’est ainsi que Denis Viénot, secrétaire général de Justice et Paix, a présenté la contribution de l’Église en France, via des instances qu’elle s’est donnée, à la parution d’un ouvrage sur l’option du désarmement nucléaire. Une pierre de plus sur un chemin de réflexion et une prolongation de deux colloques organisés en mars 2012 et janvier 2013.

Mais quelle est la situation ? Sylvie Bukhari-de Pontual, ancienne doyenne de la Faculté de Sciences sociales et Économiques de l’Institut Catholique de Paris, a dressé l’état des lieux tant de la cartographie nucléaire actuelle (8 pays dont la France dotés officiellement de cette arme, 9 si on suppute la Corée du Nord, et davantage d’autres pays « en mesure de la rendre opérationnelle en six mois voire un an » que des avancées en matière de désarmement avec « 95% des arsenaux mondiaux déjà réduits ». Évoquant le droit international, elle a commenté : « Le droit aboutit au même résultat que la morale ». Puis Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, président de Pax-Christi France, a redit que « le seul chemin pleinement moral est l’abandon total de cet armement », en listant plusieurs problèmes d’éthique posés par la dissuasion tels que « le risque de soumission de l’homme au pouvoir de la technique », la « dépossession du citoyen à décider de son avenir », « la stratégie du secret » ou encore une « inégalité injustifiable entre les nations ».
 

Les conditions ont changé

La position de l’Église catholique a évolué, rejoignant celle historiquement « plus ferme » des Églises protestantes et orthodoxes. Mgr Yves Boivineau, évêque d’Annecy, président de Justice et Paix France, a ainsi rappelé plusieurs dénonciations fortes de la part du Saint-Siège de l’arme nucléaire tout en évoquant « une attitude de tolérance, au sens d’un pis-aller » en faveur de la dissuasion dans le contexte de la guerre froide.

Dernier intervenant, Michel Drain, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales, a insisté sur le fait que la position française paraît justement « immuable alors que les conditions ont radicalement changé ». Il a pointé des « modernisations extrêmement coûteuses », des « risques de prolifération » et plaidé pour « des techniques intrusives de vérification » parallèlement à « un processus progressif collectif » de désarmement afin, selon sa formule choc, de « faire rentrer le génie nucléaire dans la bouteille ».
 

Les Papes se sont exprimés

« Je fais mienne l’appel de mes prédécesseurs en faveur de la non-prolifération des armes et du désarmement de tous, en commençant par le désarmement nucléaire et chimique ». Message du Pape François pour la Journée mondiale de la paix 2014.

« Une guerre nucléaire ne ferait aucun vainqueur mais seulement des victimes ». Message du Pape Benoît XVI pour la Journée mondiale de la paix 2006.

« Une surprise, un accident suffiraient à provoquer la conflagration ». Jean XXIII, Encyclique « Pacem In Terris« , 1963.

« Quand la mise en œuvre de ce moyen entraîne une extension telle du mal qu’il échappe entièrement au contrôle de l’homme, son utilisation doit être rejetée comme immorale ». Discours du Pape Pie XII aux participants de la 8ème Assemblée de l’Association médicale, 1950.

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