Visages et témoignages d’acteurs du lien islamo-chrétien

Dans les diocèses, les délégués sont nommés par l’évêque du lieu. Chargés des relations avec les musulmans, ils sont les personnes ressources pour le dialogue islamo-chrétien. Coup de projecteur à l’occasion des 40 ans du Service national pour les Relations avec l’Islam (SRI) en 2013. Par Chantal Joly.
 

Bénédicte du Chaffaut : « Un pont entre deux rives »

Passée « sur l’autre rive » lors d’un long séjour dans le sud Tunisien auprès d’enfants autistes, cette sociologue a vu sa vie changer. Elle y a appris en famille l’arabe dialectal et développé « des liens très forts avec des femmes de couples mixtes ». Aujourd’hui formatrice au dialogue inter-religieux au centre théologique de Meylan-Grenoble en tant que théologienne spécialisée en islamologie, elle continue d’accompagner des couples mixtes et de travailler, via Internet, avec des réseaux féministes mondiaux. Elle les voit comme « une chance pour l’évolution du monde musulman ». Retraitée, elle a accepté, épaulée par « une formidable équipe de douze personnes » de devenir déléguée du diocèse de Grenoble-Vienne. Une mission « lourde mais passionnante » faite de conseils auprès de services diocésains et de relations avec des imams. Face aux replis identitaires, Bénédicte se réjouit de l’élaboration d’un calendrier inter-religieux pour 2014.
 

Jean-Yves et Annie Millot : « Des petits pas et une présence »

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Dans le Jura, la présence de musulmans se vit « sans tensions » et le public chrétien « se déplace » même à des conférences sur le sujet. Pour autant, « les moments de partage dans la vie quotidienne -avant même de parler de religion-, se font à pas comptés ». Un lieu d’écoute et de dialogue va s’ouvrir sur Dole. Des temps de parole libre adultes-jeunes fonctionnent. Et la lettre souhaitant un Bon Ramadan, signée par l’évêque et distribuée « en signe d’amitié » a permis, cette année, à Jean-Yves et Annie d’être invités à la rupture du jeûne. « C’est un travail de longue haleine », commente le couple qui a accepté l’aventure en 2007, soutenu par une équipe et accompagné par un prêtre. Sur l’école maternelle multiculturelle où il enseigne, Jean-Yves se trouve chanceux de vivre « une vraie fraternité ». Annie, qui anime sur RCF des émissions de découverte de l’Islam, en est persuadée : « Il y a des ponts à créer » dans le diocèse de Saint-Claude.
 

P. Xavier Chavane : « De bonnes relations »

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À chaque fois qu’il vit des choses difficiles, entre « fondamentalisme musulman et islamophobie », le Père Chavane pense à Mohamed. Ce père de famille, technicien de surface, « vivait au quotidien ce que prône le Coran sur les bonnes relations de voisinage ». Il fut dans les Yvelines « son premier lien avec les musulmans ». Depuis, le curé des Mureaux (diocèse de Versailles) pousse au dialogue. Et ça progresse ! Formations diocésaines sur l’Islam, partage avec les imams sur ses homélies et leurs prêches, émissions communes à la radio locale et collecte ensemble pour les Restos du Cœur, et même visite de Notre-Dame des Neiges par les gamins de la cité qui, à son arrivée, en 2006, la « caillassaient ». L’église est désormais « respectée comme le lieu où les chrétiens adorent Dieu ». Le Père Chavane a aussi « la joie de célébrer quelques mariages mixtes par an et d’accompagner les jeunes chrétiens des quartiers populaires afin qu’ils puissent vivre leur foi de façon décomplexée ».
 

P. Jean-François Berjonneau : « La foi n’est pas un bastion »

Deux années passées comme moniteur de Formation professionnelle dans l’Atlas saharien en tant que jeune séminariste coopérant ont façonné à jamais son rapport aux migrants et spécialement aux musulmans. Accueilli en Algérie « comme un frère », le Père Jean-François Berjonneau tente, dans son diocèse – à commencer par la cité de Vernon où il habite – de « tisser des liens interpersonnels », au-delà des peurs et des méfiances. Lors des Journées du Patrimoine 2013, dans le cadre d’une « hospitalité réciproque », une centaine de chrétiens et musulmans étaient ainsi rassemblés à la cathédrale d’Évreux pour des explications architecturales, suivies d’un « pot très amical ». Parmi eux, des jeunes (chrétiens et musulmans) de quartiers populaires qui souhaitent, sans nier leurs différences, témoigner de leur foi de manière décontractée et mener des actions communes en faveur du vivre ensemble. « Lorsqu’il y a dialogue, constate-t-il, chacun sort de sa bulle ».
 

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1973-2013 : 40 ans de dialogue islamo-chrétien

« Il revient aux chrétiens et aux musulmans avec les autres citoyens de mettre en œuvre une fraternité effective, en conjuguant foi en Dieu et citoyenneté », écrit le P. Christophe Roucou, directeur du Service national pour les Relations avec I’Islam depuis 2006, dans un numéro spécial anniversaire de la Lettre du SRI.

Outre un historique évoquant les directeurs et évêques responsables depuis 40 ans, elle donne des textes de référence (dont un discours du Pape François), des exemples régionaux de dialogue (co-rédigés à chaque fois par un délégué diocésain et un imam) et divers éclairages théologiques et hors frontières (Algérie, Turquie, Liban).

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