Le regard de Mgr Bürcher, évêque de Reykjavik

Evêque de Reykjavik en Islande, Mgr Pierre Bürcher assiste pour la deuxième fois à l’Assemblée plénière. A ses côtés dans l’hémicycle, 15 évêques étrangers sont invités par la Conférence des Evêques de France. Interview dans la langue de Molière.
« Petit Suisse », comme il se présente lui-même avec humour, Mgr Pierre Bürcher, ancien évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg, ne connaissait rien de l’Islande avant sa nomination à la tête du diocèse de Reykjavik, il y a 3 ans. A Lourdes, il représente la NBK, la Conférence des évêques de Scandinavie qui compte sept membres et regroupe le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède.

Quel est le sens de la présence des évêques étrangers ?

Pour moi, c’est une ouverture à la catholicité de l’Eglise. Si je vis comme évêque sur une île, en l’occurrence l’Islande, je ne peux pas être isolé. Je fais partie de l’Eglise catholique, répandue dans le monde entier. Cela fait partie de la mission de l’évêque de partager les joies et les peines de tous ses confrères. D’autre part, pour les évêques présents à Lourdes, c’est certainement un enrichissement et une ouverture ecclésiale, un signe de la communion effective et affective entre évêques qui est absolument essentielle aussi pour le témoignage dans ce monde.
 

Quel est le visage de l’Eglise catholique en Islande ?

Sur les 18 prêtres actuellement en Islande, il y a un seul prêtre islandais. Tous les autres sont des prêtres venus de l’étranger. La population catholique elle-même est aussi majoritairement étrangère. Ce sont essentiellement de jeunes ouvriers polonais et des Philippins. Les islandais catholiques de souche  sont très peu nombreux. Ils représentent à peine 20% des fidèles. Le diocèse compte officiellement 10.000 catholiques, peut-être 15.000 en réalité. C’est l’équivalent d’une petite paroisse pour tout un diocèse. Par contre, les distances sont énormes. Le territoire recouvre plus de 100.000 km2 et les catholiques sont dispersés dans tout le pays. Les déplacements prennent beaucoup de temps aux prêtres. En hiver, le verglas, le vent rendent les routes dangereuses. J’ai compris que 18 prêtres pour 10.000 catholiques, ce n’est pas vraiment de trop. Ils emploient aussi beaucoup de temps aux traductions liturgiques, doctrinales et spirituelles. Pratiquement tous les documents nous parviennent en d’autres langues qu’en islandais. Qui peut les traduire sinon des personnes compétentes en théologie, en spiritualité, en histoire de l’Eglise ? Nous essayons de plus en plus de former des laïcs. La communauté catholique est très jeune. En 2008, nous avons 183 baptêmes et seulement 26 décès.
 

Comment vivez-vous cette Assemblée ?

Personnellement, j’ai été très bien accueilli, comme l’année dernière. C’est une joie pour moi de pouvoir participer à cette rencontre des évêques de France. Je trouve le climat des débats serein et fraternel. Ils ont gagné en profondeur car la dimension spirituelle émerge de façon évidente pour moi. Ce ne sont pas uniquement des considérations d’ordre sociologique ou politico-sociales, mais inscrites dans le fondement des racines chrétiennes. Et si l’Evangile doit pouvoir se développer, c’est bien sûr dans un cœur accueillant. Car si c’est simplement aux niveaux intellectuel et dogmatique que se situe la réflexion, il sera difficile de rentrer dans la vie concrète des communautés chrétiennes. La dimension du témoignage chrétien est à poursuivre. Ce qui a été présenté par Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême, sur « Indifférence religieuse, visibilité de l’Eglise et évangélisation » va beaucoup aider la réflexion à venir. Il s’agit finalement de la passion de l’Evangile qui n’est pas une théorie mais la vie concrète des communautés et des personnes, des témoins du Christ vivant et ressuscité.
 

Quelles problématiques l’Eglise d’Islande et l’Eglise de France partagent-elles ?

La dimension liturgique. En Islande, les chrétiens se déplacent tout particulièrement pour participer à l’eucharistie dominicale. Ils font souvent plusieurs centaines de kilomètres pour venir participer à la messe. Ce simple déplacement est déjà un signe évident de leur foi vivante. D’après mon expérience en Suisse, lorsqu’il faut demander à des chrétiens dans certaines régions de faire 10 km pour aller à l’église voisine parce qu’il n’y aura pas de messe dominicale dans leur paroisse, c’est un immense problème. Finalement beaucoup ne font pas le déplacement. Parcourir de longues distances peut être un encouragement pour beaucoup d’autres. Les prêtres de mon diocèse se réunissent une fois par mois. Ceux qui viennent de la région la plus éloignée de la capitale font 10 à 12 heures de voiture, dans un sens puis dans l’autre. C’est pour moi un signe de vitalité. Personnellement, j’admire ceux qui parviennent à témoigner de leur foi en s’engageant très concrètement. Cela suppose un déplacement de soi-même, pas simplement géographique, mais spirituel et vital. C’est un des éléments essentiels de la conversion, à réaliser chaque jour. Car chaque jour, nous avons à nous convertir davantage au Christ, à sa vie divine et à sa grâce offerte.